L’acte reçu par un notaire interdit d’instrumenter n’est pas un titre exécutoire

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : 1ère civ, 31 octobre  2012. Pourvoi n° J 11-25.789. Arrêt n°1234 F-P+B+I

 

Au mois de juin 2012, par cinq arrêts du 7 juin 2012 (Cf  2 arrêts commentés sur Chronos VIVALDI)[1], la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation sanctionnait l’irrégularité formelle d’un acte notarié[2].

 

Aujourd’hui, par un arrêt  rendu par la première chambre, la Cour de Cassation vient à son tour statuer sur la qualification d’un acte authentique irrégulier pour avoir été reçu par un notaire interdit, c’est-à-dire « incapable d’instrumenter » au sens de l’article 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatifs aux actes établis par les notaires.

 

Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’irrégularité formelle ou d’incapacité d’instrumenter, l’acte notarié perd son caractère authentique et n’est plus un titre exécutoire.

 

La Cour de Cassation a été donc amenée à déterminer le champ d’application de l’article 2 du décret du 26 novembre 1971.

 

En l’espèce, la banque accorde à une SCI un prêt garanti par une affectation hypothécaire.

 

Cet acte est reçu par un Notaire salarié, qui s’avère être le fils du président du Conseil d’Administration de la banque, intervenu à l’acte en qualité de représentant légal de la personne morale.

 

La SCI étant défaillante dans le remboursement du prêt consenti, la banque a engagé une procédure de saisie immobilière du bien immobilier donné en garantie par la SCI.

 

La Cour d’Appel a débouté la banque de sa demande de vente forcée aux motifs que l’interdiction faite aux notaires de recevoir les actes dans lesquels un parent en degré prohibé est partie ayant pour but de garantir l’impartialité du notaire instrumentaire.

 

Il s’ensuit sauf à vider l’article 2 du décret de 1971 de sa substance que cette interdiction doit s’étendre également de l’interdiction pour le notaire d’instrumenter lorsque le parent au degré prohibé est le représentant légal d’une personne morale, partie à l’acte.

 

La banque, à l’appui de son pourvoi soutenait  que l’interdiction faite par l’article 2 du décret du 26 novembre 1971 ne peut être étendue à des personnes qui ne sont pas visées par le texte.

 

Selon la banque l’article 2 précité interdit aux notaires de recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement.

 

La demanderesse au pourvoi de conclure que le notaire rédacteur ayant la qualité de représentant légal  d’une personne morale, ne serait pas visé par cette interdiction.

 

La Cour de Cassation, de façon tout à fait logique rejette le moyen produit par la banque à l’appui de son pourvoi et approuve la position de la Cour d’Appel garantissant l’impartialité du notaire instrumentaire et la force du titre ainsi authentifié.

 

Voici ce qu’il est jugé :

« Mais attendu qu’ayant constaté que le notaire instrumentaire était le fils du président du conseil d’administration de la CCM intervenu à l’acte en qualité de représentant légal de la personne morale, la cour d’appel en a exactement déduit que cet acte, instrumenté en méconnaissance de l’interdiction prévue par le texte précité, ne valait pas titre exécutoire ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches »  ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE le pourvoi »

 

Cet arrêt comme les précédents rendus le 7 juin 2012 ont le mérite de préciser les sanctions inhérentes à ces irrégularités.

 

Alors que les conditions de validité de fond sont requises à peine de nullité de l’acte notarié comme de tout autre acte, la sanction des irrégularités formelles affectant le titre authentique notarié comme l’interdiction d’instrumenter n’est plus la nullité, mais sa relégation dans la catégorie des actes sous seing privés générant la perte de son authenticité.

 

Les conséquences sont considérables pour le ou les créanciers, puisque cet acte ne peut plus leur servir de fondement à des procédures d’exécution forcée

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. Civ 2. 7 juin 2012. n° 11-16107 et notre commentaire ; Cass.Civ.2. n° 11-15439- 11-18085

[2] « L’acte notarié entaché d’une irrégularité formelle n’est pas un titre exécutoire »

 

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