Infraction du Preneur antérieure au renouvellement du bail : quelle sanction ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 24 mai 2017, n°16-16541, Inédit

 

Il est acquis que le bail commercial prend fin par l’effet d’un congé ou d’une demande de renouvellement (les résiliations amiable ou judiciaires mises à part). Lorsque le bailleur offre le renouvellement ou ne s’oppose pas à la demande du preneur, il s’opère alors « un nouveau bail » de neuf ans prenant effet « à compter de l’expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa prolongation » (article L145-12 du Code de commerce).

 

Le « nouveau bail » étant une convention distincte de celle expirée, le bailleur ne peut en principe solliciter la résiliation du bail pour un manquement commis par le preneur au cours du bail précédent.

 

En l’espèce, après avoir délivré au preneur congé valant offre de renouvellement, un bailleur lui reprochait notamment d’avoir, au cours du bail expiré, annexé au bail des espaces non incluses dans la convention, déplacé la cuisine, et implanté un groupe de climatisation sur la toiture terrasse de l’immeuble pris à bail.

 

Le bailleur reconnaissait, certes, qu’en principe il ne pouvait fonder son action en résiliation sur des manquements du preneur commis au cours du bail expiré. Mais il prétendait qu’il pouvait invoquer la persistance de ces manquements au cours du bail renouvelé.

 

Cette prétention semblait conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt non publié du 18 Juin 2014[1], avait approuvé une Cour d’appel d’avoir constaté la résiliation d’un bail malgré l’ancienneté des désordres commis pendant un bail précédent :

 

« Attendu qu’ayant relevé la gravité des manquements de la société Rive gauche hôtel caractérisés par le défaut persistant d’exécution des travaux nécessaires pour mettre fin aux désordres, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision »

 

Cette position s’insérait également dans le droit fil de la jurisprudence relative à la succession de preneurs, selon laquelle le bailleur peut valablement solliciter la résiliation du bail lorsque le cessionnaire refuse de mettre un terme à la poursuite d’un manquement commis par le cédant[2].

 

Pour la Cour d’appel de Douai, rappelant que le bailleur connaissait les manquements du preneur lors de la délivrance de son offre de renouvellement (sans que cette constatation ne semble fonder la motivation de l’arrêt), des infractions commises par le preneur au cours du bail antérieur ne peuvent fonder une demande de résiliation du bail renouvelé.

 

Dans le second moyen de son pourvoi (le premier n’étant pas abordé dans le présent commentaire), le bailleur critique l’arrêt d’appel en rappelant que la persistance lors du bail renouvelé, d’un manquement commis au cours du bail expiré, permet au bailleur de l’invoquer à l’appui d’une demande de résiliation. Il ajoute que sa renonciation au droit de se prévaloir des manquements du preneur au-delà de la date d’effet du congé ne se présume pas.

 

La Cour de cassation ne partage pas sa position et rejette le pourvoi :

 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le congé avec offre de renouvellement délivré le 29 janvier 2010 par la société Laurentel à effet du 15 août 2010 avait mis fin au bail qui avait pris effet le 14 août 2001 et que les manquements invoqués avaient été commis au cours du bail expiré, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante a retenu, à bon droit, que ces manquements ne pouvaient fonder une demande de constat ou de résiliation du bail renouvelé et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; »

 

Ainsi, sans s’intéresser aux branches du moyen concernant la renonciation du bailleur au droit de se prévaloir des manquements antérieurs du preneur, elle rappelle que les infractions commises par le preneur au cours du bail précédent ne peuvent fonder une demande de résiliation du bail renouvelé. S’agit-il alors d’un revirement de l’arrêt du 18 Juin 2014 ?

 

Pas nécessairement. Dans l’arrêt du 18 juin 2014, les manquements du preneur étaient à l’origine de nombreux dégâts des eaux, qui se poursuivaient au cours du bail renouvelé. Le preneur refusait toutefois d’y mettre un terme, en invoquant notamment l’existence d’un renouvellement. Les juridictions avaient alors considéré que la poursuite des désordres que le preneur refusait de réparer entrainait la résiliation du bail.

 

L’arrêt commenté se distingue de cette situation : les manquements du preneur ne semblent pas être à l’origine de nuisances, et demeurent de simples infractions aux stipulations du bail, qui sont ainsi couvertes par le renouvellement de la convention.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] 3ème civ, 18 Juin 2014 – n° 11-26.856

[2] Cf Cass com., 1er décembre 1965, BAKHOUCHE / BELLILE; 3ème civ, 30 janvier 2002, n°00-16284 ;

 

 

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