SOURCE : CJUE, 4e ch., 18 décembre 2014, aff. C-449/13
La directive 2008/48/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 23 avril 2008, transposée dans la loi du 1er juillet 2010, impose au prêteur une obligation d’information et d’explication précontractuelle de nature à permettre à l’emprunteur d’effectuer un choix éclairé quant à l’engagement de souscrire un crédit.
A cet effet la Directive 2008/48/CE, dans son articles 5 § 1 et §6, intitulé « Informations précontractuelles » impose à l’établissement prêteur de délivrer à l’emprunteur une fiche d’informations européennes normalisées, sur support papier ou sur un autre support durable. Cette obligation a été transposée à l’article L.311-8 du Code de la Consommation qui dispose :
« Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l’article L.311-6. Il attire l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l’emprunteur ».
La directive en son article 8, intitulé « Obligation d’évaluer la solvabilité du consommateur » impose également à l’emprunteur d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur. Cette obligation a été transposée à l’article L.311-9 du Code de la Consommation libellé comme suit :
« Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L.333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L.333-5 »
Dans la décision, présentement commentée, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) précise le sens et la portée de ces deux obligations.
1.- Le litige
Deux époux ont conclu avec une banque un contrat portant sur un prêt personnel lié à l’acquisition d’un véhicule automobile.
Une personne a également conclu avec cette même banque un contrat portant sur un crédit personnel.
Le remboursement de ces prêts ayant cessé, la banque a assigné les emprunteurs devant le Tribunal d’Instance d’Orléans aux fins que ceux-ci soient condamnés au paiement du solde desdits prêts augmenté des intérêts.
2.- Sur l’obligation d’information précontractuelle
Le Tribunal d’Instance d’Orléans relève que la banque ne produit aux débats ni la fiche d’informations précontractuelles qui devait être remise aux emprunteurs, ni aucune autre pièce permettant de justifier qu’elle avait accompli à l’égard des emprunteurs son devoir d’information.
Cependant, le Tribunal d’Instance relève néanmoins qu’une clause standardisée figure dans le contrat signé par les emprunteurs ainsi libellé « Je soussigné….. reconnais avoir reçu et pris connaissance de la fiche européennes normalisées ».
Le Tribunal d’Instance considère qu’une telle clause serait susceptible d’être à l’origine de difficultés si elle devait avoir pour effet d’inverser, au détriment du consommateur, la charge de la preuve. De même une telle clause pourrait aussi rendre difficile, voire impossible, l’exercice par le consommateur, du droit de contester la complète exécution des obligations qui incombent au prêteur.
C’est dans ces conditions que le Tribunal d’Instance a décidé de surseoir à statuer et de poser à la CJUE les questions préjudicielles suivantes :
La Directive 2008/48 doit elle être interprétée en ce sens qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de l’exécution correcte et complète des obligations précontractuelles prescrites aux articles 5 et 8 de cette directive et qui résultent du droit national qui transpose cette dernière ;
L’insertion, dans le contrat de crédit, d’une clause type, porte reconnaissance par le consommateur de l’exécution des obligations du prêteur, non corroborés par les documents émis par le prêteur et remis à l’emprunteur.
La CJUE, concernant en premier lieu, la charge de la preuve du respect, par le prêteur, de ses obligations de fournir des informations adéquates au consommateur, constate que la directive ne comporte aucune disposition à cet égard.
Aussi, elle considère que selon une jurisprudence constante, en l’absence de règlementation de l’Union en la matière, les modalités procédurales relèvent de l’ordre juridique interne de chaque Etat Membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale des Etats Membres, sous réserve des principes d’équivalence et d’effectivité.
Sur le principe d’effectivité, la CJUE attire notre attention que le respect de ce principe serait compromis si la charge de la preuve de la non-exécution des obligations prescrites aux articles 5 et 8 de la Directive 2008/48 reposait sur le consommateur. Ainsi le prêteur est tenu de justifier devant le Juge de la bonne exécution de ses obligations précontractuelles et comme l’a relevé Monsieur l’Avocat Général, un prêteur diligent doit avoir conscience de la nécessité de collecter et de conserver des preuves de l’exécution des obligations d’information et d’explication lui incombant.
La CJUE, concernant la clause type figurant au contrat, considère qu’elle constitue un indice et qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Toujours selon la CJUE, une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations contractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait, par conséquent un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la Directive 2008/48.
3.- Sur la vérification de la solvabilité de l’emprunteur
Le Tribunal d’Instance relève l’absence de pièces permettant de vérifier que le prêteur s’est bien acquitté de cette obligation.
C’est pourquoi, il a été amené à interroger la CJUE sur la question de savoir si la Directive 2008/48 s’oppose à ce que la vérification de la solvabilité du consommateur soit effectuée à partir des seules informations déclarées par ce dernier, sans contrôle effectif de ces informations par d’autres éléments.
Selon la CJUE, l’article 8 §1 de la Directive 2008/48 doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il ne s’oppose pas à ce que l’évaluation de solvabilité du consommateur soit effectuée à partir des seules informations fournies par ce dernier, à condition que ces informations soient en nombre suffisant et que de simples déclarations de celui-ci soient accompagnées de pièces justificatives, et, d’autre part, qu’il n’impose pas au prêteur de procéder à des contrôles systématiques des informations fournies.
Geneviève FERRETTI
Vivaldi-Avocats