Hypothèque en garantie de la dette d’un tiers.

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

  

SOURCE : Cass. Civ. 1ère, 25 novembre 2015, n° 14-21.332, F-P+B .

 

En l’espèce, le 28 juin 2001, par-devant notaire, une société souscrit auprès de plusieurs banques deux prêts pour financer la prise de contrôle et l’augmentation de capital de deux autres sociétés. Des garants hypothèquent un immeuble dont ils sont respectivement nue-propriétaires et usufruitiers.

 

La société emprunteuse est placée en liquidation judiciaire, et le 21 octobre 2002 une des banques engage une procédure de saisie immobilière aboutissant à l’adjudication de l’immeuble hypothéqué. Les garants reprochent au notaire d’avoir, notamment, manqué à son devoir d’information et de conseil en ne les informant pas sur la portée et les effets juridiques de leur « engagement de caution », et l’assigne en responsabilité professionnelle.

 

Les juges du fond, en première instance comme en appel, déboutent les garants de leurs demandes. Un pourvoi en cassation est formé, mais sera rejeté.

 

Pour la Haute juridiction, le tiers constituant d’une sûreté réelle pour autrui ne peut invoquer ni le bénéfice de discussion, ni le bénéfice de division. En effet, dès lors que la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers n’est pas un cautionnement, car n’impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, le régime juridique du cautionnement est exclu. L’action en responsabilité contre le notaire est donc une nouvelle fois rejetée.

 

Contrairement à la croyance commune, l’affectation d’un bien à la garantie de paiement d’une dette n’est pas un cautionnement réel. La Cour de cassation, de façon litanique, nous rappelle que les règles du cautionnement ne s’appliquent donc pas.

 

La décision ici commentée n’est qu’un opus supplémentaire à un débat qui n’en est plus un. Il est évident que les bénéfices de division et de discussion étant propres à la caution simple, le garant hypothécaire ne peut logiquement pas en bénéficier.

  

En d’autres termes, une hypothèque ne peut être soumise qu’au droit de l’hypothèque, et non au droit du cautionnement. Toutes les spécificités du droit du cautionnement sont en conséquence exclues :

 

      L’article 1415 du Code civil (accord exprès du conjoint pour engager la communauté dans un cautionnement)[1] ;

 

     Les obligations d’information de la caution[2] ;

 

      Les exigences de proportionnalité[3] ;

 

      Et aujourd’hui le bénéficie de discussion et de division.

 

Cette solution n’est pas nouvelle, car elle avait été déjà initiée en 2005 par une Chambre mixte[4], et réitérée dès 2006[5]. L’hypothèque constituée pour garantir la dette d’un tiers n’est donc limitée qu’au bien affecté, et n’ouvre à celui qui l’a constitue ni le bénéfice de discussion, ni le bénéfice de division. Le notaire ne peut en conséquence être reconnu responsable pour défaut d’information et de conseil des garants, à propos de la portée juridique de leur engagement.

 

Même si la Cour de cassation demeure inflexible sur sa position depuis maintenant plusieurs années, à juste titre, le débat reste ouvert en doctrine sur la nature du cautionnement réel. Est-ce une sûreté réelle ou une sûreté personnelle ? Trois visions s’opposent :

 

        Soit le tiers garant s’oblige, d’une part, à payer la dette du débiteur et constitue, d’autre part, une sûreté réelle sur l’un de ses biens en garantie de la même dette ;

 

        Soit le tiers s’oblige pareillement à payer la dette et contre garantit son propre engagement de caution par une sûreté réelle ;

 

        Soit le tiers consent seulement une sûreté réelle.

 

Notre choix porte évidemment sur cette dernière proposition.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1]Cass. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18210, P

[2]Cass. com., 7 mars 2006, n° 04-13.762, FS+P+B+R+I

[3] Cass. civ. 1ère 7 mai 2008, n° 07-11.692, F-P+B

[4]Cass. mixte, 2 déc. 2005, n° 03-18210, P

[5] Cass. com., 4 avril 2006, n° 02-17.160, F-D

 

 

 

 

 

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