GOOGLE : l’amende record de 4,34 milliards d’euros infligée par la Commission européenne pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché de l’internet mobile

 

 

Source : DG COMP, communiqué de presse, 18 juillet 2018, n° 40099 Google Android

 

            I – Rappel des règles de droit

 

L’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prohibe l’abus de position dominante :

 

« Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

 

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

 

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables,

 

b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs,

 

c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence,

 

d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ».

 

Ces dispositions sont reprises en droit interne à l’article L. 420-2 du Code de commerce.       

 

            II – Les griefs reprochés à GOOGLE

 

Dès le milieu des années 2000, GOOGLE a compris toute l’importance de la place des moteurs recherches dans le passage de l’utilisation des ordinateurs à celle des tablettes et téléphones portables. C’est la ruée vers l’internet mobile qui représente aujourd’hui plus de 50% du trafic internet mondial.

 

Stratégie de GOOGLE pour maintenir la manne financière tirée de son moteur de recherche : rediriger le trafic des appareils Android, utilisé par 80% des appareils mobiles intelligents dans le monde, vers GOOGLE Search via trois types de restriction.

 

Selon la Commission européenne, GOOGLE utiliserait Android, racheté en 2005, comme « cheval de Troie » pour consolider sa position dominante en :

 

1) exigeant des fabricants d’appareils Android une pré-installation de l’application GOOGLE Search et de son navigateur, GOOGLE Chrome, comme condition à l’octroi de la licence de Play Store ;

 

2) payant certains grands fabricants et opérateurs de réseaux mobiles pour qu’ils préinstallent en exclusivité l’application GOOGLE Search sur leurs appareils; et

 

3) empêchant les fabricants souhaitant préinstaller les applications GOOGLE de vendre des appareils mobiles intelligents fonctionnant sur d’autres versions d’Android non approuvées par GOOGLE (appelés les « forks Android »).

 

Une position dominante n’est pas interdite sous réserve que l’entreprise dominante n’abuse pas de son pouvoir de marché en restreignant la concurrence sur leur marché ou sur des marchés distincts.

 

En l’espèce, au regard de ces pratiques, la Direction Générale de la concurrence a jugé que GOOGLE s’est livrée à :

 

1) une vente liée illégale des applications de recherche et de navigation ; pour GOOGLE, pas d’octroi de l’application Play Store aux fabricants si pas de pré-installation de GOOGLE Search et GOOGLE Chrome ;

 

2) des paiements illégaux subordonnés à la pré-installation exclusive de son moteur de recherche ce qui a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à pré-installer des applications de moteurs de recherche concurrentes ;

 

3) une obstruction illégale au développement et à la distribution de systèmes d’exploitation Android qu’elle n’aurait pas approuvés et donc concurrents ; cela a manifestement réduit la possibilité de développer et vendre des appareils fonctionnant sous des forks Android tel que Fire OS d’AMAZON ; outre la fermeture du marché à ses concurrents, GOOGLE a aussi empêché les consommateurs d’accéder à de nouvelles innovations de manière générale sur le marché de l’internet mobile.

 

III – Sanction, « remèdes » et actions en « follow-on »

 

Outre la sanction financière de plus de 4 milliards d’euros, DG COMP exige que le géant américain mette fin à aux trois types de pratiques précitées de manière définitive dans les 90 jours du prononcé de la décision.

 

A défaut de conformité à la décision, GOOGLE encourt une astreinte de 5% du chiffre d’affaires journalier moyen mondial de sa société-mère, ALPHABET.

 

Enfin, la décision de la Commission européenne peut constituer une véritable boîte de Pandore pour GOOGLE avec la mise en œuvre de la Directive « Damages » et les actions en « follow-on ». Ce texte transposé dans les différents Etats membres donne la possibilité d’agir en justice afin de réclamer des dommages et intérêts pour toute personne physique (les consommateurs) et morale (e.g. les concurrents) qui a été affectée par les pratiques anticoncurrentielles.

 

GOOGLE a toutefois interjeté appel de cette décision et même n’exclut pas de remettre en cause la gratuité du système d’exploitation Android. Nouveau bras de fer entre le géant américain et Bruxelles…

 

Victoria GODEFROOD-BERRA

Vivaldi-Avocats

 

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