Source : Cass. Soc. 21 janvier 2014, n°12-18.421, n°127 P+B
A notre connaissance, la solution posée par la Cour de Cassation dans cet arrêt est totalement inédite, même si elle était à la fois prévisible et réclamée par les praticiens.
L’AGS garantit les créances de nature salariales antérieures au jugement d’ouverture, dues par le débiteur en redressement judiciaire. C’est l’article L 3253-8, 1° du Code du Travail.
A contrario, le cas n’étant pas prévu par le texte, la garantie de l’AGS n’est pas due lorsque le débiteur bénéficie, non pas d’un redressement judiciaire, mais d’une sauvegarde, ce qu’a confirmé la Cour de Cassation[1].
Se pose néanmoins, depuis l’entrée en vigueur de la Loi de Sauvegarde, la question du sort des créances salariales antérieures, lorsque la procédure de sauvegarde est convertie en redressement judiciaire. L’AGS avait indiqué qu’elle n’entendait pas prendre en charge ces créances, mais la question n’avait encore jamais été soumise à l’appréciation de la Cour de Cassation.
La réponse de la haute juridiction est particulièrement claire : elle censure la motivation de la Cour d’Appel, puis pose sa solution.
La Cour d’Appel avait jugé que la garantie de l’AGS était due au titre d’une créance antérieure à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde lorsque celle était convertie en redressement judiciaire. La Cour de Cassation corrige, et retient que seule compte le fait que la créance salariale trouve son fait générateur antérieurement au jugement ayant prononcé l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les causes d’ouverture.
La solution est particulièrement satisfaisante, car elle permet de faire prendre en charge par l’AGS toutes les créances antérieures au seul redressement judiciaire, au nombre desquelles pourront donc figurer les éventuelles créances nées au cours de la période d’observation de la sauvegarde.
Statuer autrement aurait dénaturé la sauvegarde, puisqu’un débiteur (ou un tribunal) ayant mal apprécié la réalité de ses difficultés en sollicitant une sauvegarde au lieu d’un redressement aurait pu se retrouver doublement en difficulté, au moment de la conversion de sa procédure, en ne pouvant obtenir la prise en charge ni des créances salariales antérieures, dont il aurait à l’inverse obtenu la garantie en retardant la saisine du tribunal jusqu’au moment où seul le redressement était envisageable en raison de la création d’un état de cessation des paiements, mais également celles nées durant la période d’observation.
Curieusement, le débiteur suffisamment diligent pour solliciter une sauvegarde aurait alors été dans une situation moins favorable que s’il avait attendu l’état de cessation des paiements.
La solution posée par la Cour est donc tout à fait satisfaisante.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats
[1] Voir par exemple Cass.Com, 8 novembre 2011, n°10-14.57