Source : Cass. civ 2ème, 27 septembre 2018, n°17-22.013 F-PBI
I – Bref rappel sur l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
La loi n°2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, est un dispositif légal de protection patrimoniale de l’entrepreneur individuel, que l’on retrouve aux articles L.526-6 et suivants du Code de commerce.
Il permet que « tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ». Une même personne peut donc posséder plusieurs patrimoines, dont un voire plusieurs affectés exclusivement à une activité professionnelle.
Tout l’intérêt du dispositif est que la déclaration d’affectation est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à son dépôt. Ainsi, et sauf cas de fraude (manquements aux règles d’affectation[1]) ou manquements aux règles comptables (tenue d’une comptabilité autonome, ouverture d’un compte bancaire dédié), les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, ont pour seul gage général le patrimoine affecté. Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.
II – L’arrêt en question
Un tribunal d’instance rejette une demande de traitement d’une situation de surendettement, au motif pris que le demandeur exerce son activité professionnelle sous le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), et qu’il relève donc des procédures collectives prévues par au livre VI du Code de commerce.
La Cour de cassation censure la décision : la seule circonstance que le patrimoine affecté de l’EIRL relève des procédures collectives régies par le Code de commerce, n’est pas de nature à exclure le patrimoine non affecté du débiteur de la procédure de traitement des situations de surendettement organisée par le Code de la consommation.
Le tribunal d’instance avait également jugé que le débiteur était en tout état de cause de mauvaise foi, condition essentielle pour le bénéfice d’une procédure de surendettement, faute de ne pas avoir déclaré être propriétaire de deux mobile homes locatifs. Nouvelle censure de la Cour de cassation : le tribunal n’avait pas recherché si les mobile homes n’étaient pas affectés au patrimoine professionnel du débiteur. La procédure de traitement du surendettement de l’EIRL ne concernant que son patrimoine personnel, l’entrepreneur n’est tenu de déclarer que la consistance de ce dernier. Son patrimoine affecté à une activité professionnelle est hors procédure.
III – Précisions
Selon l’article L. 711-1 du Code de la consommation, la procédure de traitement du surendettement est réservée aux personnes physiques de bonne foi dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles.
L’article L. 711-3 du Code de la consommation précise qu’un débiteur ne peut pas en bénéficier s’il relève des procédures spécifiques aux entreprises en difficulté (conciliation, sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires).
Peut donc se poser la question de savoir de quelles procédures relève l’EIRL, dans la mesure où celui-ci peut avoir un patrimoine personnel et un patrimoine distinct affecté à son activité professionnelle, voire plusieurs patrimoines affectés à des activités distinctes ?
La réponse se trouve dans l’origine des dettes. Un EIRL peut demander à bénéficier d’une procédure de traitement de son surendettement mais seulement pour des dettes non professionnelles. La procédure concerne alors le seul patrimoine personnel de celui-ci, c’est-à-dire le patrimoine qui n’est affecté à aucune activité professionnelle.
Pour ses dettes professionnelles, l’EIRL peut faire l’objet d’une procédure spécifique aux entreprises. En principe limitée au seul patrimoine affecté à l’activité en difficulté, la procédure peut être toutefois étendue à un patrimoine affecté à une autre activité de l’EIRL ou encore à son patrimoine personnel dans trois cas :
Confusion avec le patrimoine au titre duquel la procédure a été ouverte ;
Manquement grave aux obligations résultant du statut d’EIRL ;
Fraude à l’égard d’un créancier titulaire d’un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Voir notre article Chronos du 20 février 2018 : « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) : manquement grave et réunion des patrimoines »