Source : Cass. com., 16 mai 2018, n° 16-24079
S’estimant victimes d’actes de dénigrement et d’un détournement de clientèle commis par deux sociétés « partenaires », les sociétés AMF et APC ont assignées en réparation de leur préjudice sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382 du même code).
Dans les faits, le gérant de la première défenderesse, également principal associé de la seconde, a procédé, auprès d’une quelques (moins d’une dizaine) clients des demanderesses, à l’envoi de deux courriels qui jettent le discrédit sur les demanderesses (dénigrement de leur situation financières critiques) pour in fine les démarcher avec une proposition technique et financière. Autre élément avancé par les demanderesses : une attestation de l’un de leur salarié qui a été directement contacté par téléphone par le gérant précité.
Au regard de ces éléments de preuve, la Cour d’appel de Nîmes a fait droit aux demandes par un arrêt du 16 mai 2016 et a condamné les défenderesses au paiement de dommages et intérêts 10 000 euros chacune pour actes de dénigrement et d’un détournement de clientèle.
Cassation par les juges de la Haute juridiction : la faute des sociétés n’est pas démontrée par les agissements de l’un de leurs associés. En d’autres termes, les faits n’ont pas été démontrés comme étant imputables aux sociétés défenderesses.
Rappel sur la démonstration d’un acte de concurrence déloyale
La démonstration d’un acte de concurrence déloyale suppose la réunion de trois conditions :
1) Une faute (en l’espèce, la diffusion d’un message péjoratif par un préposé) ;
2) un préjudice (en l’espèce, la perte de clientèle, atteinte à la réputation et aggravation de sa situation financière) ; et
3) un lien de causalité entre les deux (selon les appelantes, la dégradation de leur situation financière est une conséquence directe des communications envoyées à leurs clients par les intimées).
Cette démonstration faite, il convient toutefois de se pencher sur l’auteur des faits / fautes : dans l’hypothèse où ces trois conditions sont remplies, seul l’auteur de l’acte de concurrence peut voir sa responsabilité engagée.
Par conséquent, dans l’environnement d’une société, lorsque l’acte de concurrence déloyale émane uniquement du comportement « isolé » et « spontané » d’un de ses préposés (même associé), sauf preuve contraire, la société ne peut en être considérée comme l’auteur et donc responsable. En effet, il ne s’agit pas d’une « stratégie » de démarchage ou d’une « politique » de détournement de clientèle de la société, mais uniquement d’une initiative d’un de ses membres.
Ainsi, l’arrêt commenté rappelle que la responsabilité d’une société, sur le fondement de la concurrence déloyale, ne peut être engagée qu’à la condition de démontrer qu’elle est à l’origine des faits de son préposé notamment via des instructions ou directives allant dans ce sens.
Victoria GODEFROOD-BERRA
Vivaldi-Avocats