Source : Cass. Com. 4 novembre 2014, Pourvoi n°13-23.070, FS+P+B+R+I
La Cour de cassation rend ici un arrêt qu’elle considère elle-même comme majeur, lui accordant la publication la plus large (P+B+R+I).
En matière de sanctions à l’encontre du dirigeant du débiteur, le retard dans le dépôt de l’état de cessation des paiements, c’est-à-dire plus de 45 jours après son constat, peut être retenu à deux titres :
– Comme une faute de gestion, pouvant fonder une mise à la charge personnelle du dirigeant de tout ou partie de l’insuffisance d’actif (sanction pécuniaire) ;
– Comme fondement d’une mesure d’interdiction de gérer (sanction personnelle).
La Haute Cour apporte ici une précision d’importance : la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être que celle figurant dans le jugement d’ouverture, ou celle du jugement de report, c’est-à-dire le jugement portant spécifiquement sur la contestation de la date de cessation des paiements retenue par le jugement d’ouverture.
Dit autrement, il n’est plus temps, à l’étape de la procédure en sanction, de s’interroger sur la date exacte de cessation des paiements. Cette discussion ne peut avoir lieu qu’au moment de l’audience d’ouverture de la procédure collective, ou lors de la procédure spécifiquement prévue à cet effet : lors de l’action en report.
Cet arrêt a une portée pratique extrêmement importante. En effet, les mandataires ou les administrateurs, pour le dire clairement, n’ont pas le temps de s’intéresser à la question de la date réelle de cessation des paiements dès leur nomination. Ils ne s’intéressent à la question que lorsqu’ils envisagent, justement, une action en sanction à l’encontre du dirigeant.
Or, il sera la plupart du temps trop tard pour faire constater l’antériorité de l’état de cessation des paiements, le délai pour introduire l’action en report n’étant que d’une année à compter du jugement d’ouverture.
A l’inverse, le dirigeant aura tout intérêt à contester, dans le cadre de l’action en report, la date de cessation des paiements, lorsque celle-ci est manifestement erronée.
Très clairement, cet arrêt est extrêmement favorable aux dirigeants, et devrait limiter les cas de sanction, en retirant aux organes de la procédure, la possibilité d’invoquer une faute de gestion « facilement démontrable »… pour autant que le dirigeant ait « bien présenté son dossier », et que le tribunal l’ait suivi dans ses affirmations d’une date récente de cessation des paiements lors de l’audience d’ouverture… faute pour le Tribunal d’avoir le temps matériel, lors de ce type d’audience, de vérifier les dires des dirigeants…
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats