Source : CE, 8/12/2017, n°409429, mentionné dans les tables du recueil Lebon
Au sein d’une société d’exercice libérale (SEL), il est courant que les associés cumulent un mandat social et des fonctions techniques correspondant à leur activité professionnelle principale.
Dans ce cas, la rémunération qu’ils perçoivent est soumise à l’impôt sur le revenu d’après les règles des traitements et salaires en vertu de l’article 62 du CGI pour les gérants majoritaires de SARL, les gérants des sociétés en commandite par actions et pour associés en nom des sociétés de personnes, aux membres des sociétés en participation et aux associés mentionnés aux 4° et 5° de l’article 8 lorsque ces sociétés ou exploitations ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.
S’agissant des dirigeants de SA et de SAS (constituées sous forme de SEL dans le cas qui nous intéresse), la rémunération qu’ils perçoivent relèvent des traitements et salaires (de la même façon, du point de vue social, ils sont assimilés à des salariés sauf pour la couverture contre le chômage).
En l’espèce, une SELAS, préalablement constituée sous la forme d’une SELARL, a souscrit un contrat d’assurance de groupe dit « Madelin » et a versé à ce titre des cotisations pour le compte de son dirigeant qui était également le directeur du laboratoire exploité par la société.
Le dirigeant déduisait de sa rémunération imposable les cotisations facultatives versées dans le cadre du contrat « Madelin » ce qui a été contesté, suite au changement de forme sociale, par l’administration fiscale, suivie par les juridictions du fond.
Saisi de la difficulté, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que si l’article 62 du CGI prévoit expressément que le montant imposable des rémunérations des dirigeants concernés (cf. plus haut) est calculé après déduction des cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis (en l’espèce contrat « Madelin »), rien de tel n’est prévu pour les dirigeants de SA et SAS.
En conséquence, le Conseil d’Etat en déduit que « le président d’une société anonyme, d’une société par actions simplifiée ou d’une société constituée sous ces formes pour l’exercice d’une profession libérale ne peut, à défaut de dispositions législatives le prévoyant, déduire de telles cotisations des sommes qu’il perçoit en contrepartie de l’exercice de son mandat, qui relèvent de la catégorie des traitements et salaires ».
Le Conseil d’Etat pousse néanmoins plus loin son raisonnement pour prendre en compte le cumul des fonctions du dirigeant : fonctions liées au mandat social et fonctions techniques.
« Toutefois, lorsque le président d’une société d’exercice libéral à forme anonyme ou d’une société d’exercice libéral par actions simplifiée exerce au sein de cette société, en plus de son mandat de président du conseil d’administration, une activité professionnelle dans des conditions ne traduisant pas l’existence d’un lien de subordination à l’égard de la société, les rémunérations qu’il perçoit à ce titre conservent la nature de bénéfices non commerciaux et sont assujettis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie correspondante. Il en résulte qu’il peut déduire de ces rémunérations les cotisations, d’assurance de groupe mentionnées à l’article 154 bis du code général des impôts qu’il verse au titre de cette activité ».
L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel est annulé dès lors qu’elle avait confirmé la position de l’administration sans avoir recherché si l’activité du dirigeant traduisait l’existence d’un lien de subordination de nature à caractériser une activité.
Cette décision, si elle est favorable aux dirigeants, devra se traduire par un changement d’habitude puisqu’il sera nécessaire de déclarer les rémunérations, non plus dans la catégorie traitement et salaires, mais dans la catégorie des bénéfices non commerciaux professionnels.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats