Source : Cass. civ. 2ème, 23 juin 2016, n°15-12.113, F-P+B
I – Les faits de l’espèce
En 2007, par acte notarié, un particulier a souscrit un emprunt immobilier auprès d’une banque, pour 323 000 francs suisses. En 2012, après déchéance du terme, la banque a signifié à l’emprunteur un commandement de payer valant saisie immobilière, pour un montant de 266.040,89 € en principal.
En 2014, un juge de l’exécution a annulé ce commandement, et ordonné la mainlevée de la saisie immobilière. Une cour d’appel a confirmé la décision, estimant que l’acte notarié servant de fondement aux poursuites concernait un prêt libellé en francs suisses et remboursable dans cette monnaie étrangère, avec faculté de conversion à la demande de l’emprunteur, sans faire référence toutefois aux conditions de conversion en euros, et que donc la créance, bien que mentionnée en euros dans le commandement de payer valant saisie, n’était pas liquide faute d’éléments dans le contrat permettant de l’évaluer dans la monnaie ayant seul cours légal en France.
La banque a formé un pourvoi en cassation.
II – L’arrêt de cassation
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, au visa des articles L.111-2[1] et L.111-6 du Code de procédure civile d’exécution[2].
En effet, à défaut de stipulations relatives aux modalités de conversion dans le titre exécutoire, la contrevaleur en euros de la créance stipulée en monnaie étrangère peut être fixée au jour du commandement de payer à fin de saisie immobilière, au taux de change en vigueur. Ainsi, la créance, dont le montant est déterminable à cette date, se trouve, par là-même, liquide.
L’arrêt commenté est une nouvelle illustration des difficultés d’évaluer une créance dont le titre exécutoire est un acte notarié. L’interprétation des clauses relatives au calcul de la créance est régulièrement source de litiges. Sur ce point, la décision de justice reste plus commode.
La définition de la liquidité n’implique pas que le montant de la créance soit chiffré. La Cour de cassation avait déjà statué ainsi, dans un arrêt rendu en matière de saisie immobilière, selon lequel « le caractère liquide d’une créance n’implique pas que le montant exact des sommes pour lesquelles est poursuivie la saisie fasse l’objet d’une liquidation préalable à la vente »[3].
Ce sont finalement des décisions de bon sens, évitant d’imposer des obstacles trop strictes à l’engagement d’une mesure d’exécution.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Art. L.111-2 C. proc. exec. : « Le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut donc poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »
[2] Art. L.111-6 C. proc. exec. : « La créance est liquide lorsqu’elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation. »
[3] Cass. civ. 2ème, 23 févr. 1994, n°92-19.774