Source : Cour d’appel, Paris, Pôle 4, chambre 4, 28 Mars 2017 – n° 16/11890

 

Monsieur Elie S. et Madame Fabienne L., son épouse, ont donné à bail verbal à compter du 30 juillet 1993 à Madame Aurora T. M. M. un appartement.

 

Le 20 janvier 2014, Monsieur et Madame S. ont fait signifier à Madame Aurora T. un congé aux fins de reprise pour habiter au bénéfice de Madame Nathalie S., leur fille, pour le 29 juillet 2014.

 

Par acte d’huissier en date du 17 mars 2014, Madame Aurora T. a fait assigner Monsieur et Madame S. devant le tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris aux fins de voir déclarer nul le congé délivré le 20 janvier 2014, condamner les bailleurs à lui rembourser une somme de 24 240 euros correspondant aux sommes versées au titre de l’indexation du loyer, condamner les bailleurs au paiement d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonner une expertise afin de déterminer les travaux nécessaires à la mise en conformité du logement afin qu’il soit décent.

 

Par jugement prononcé le 25 mars 2015, le tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris a :

 

– déclaré formellement valide le congé délivré le 20 janvier 2014 pour le 29 juillet 2014,

 

– sursis à statuer sur l’intégralité des demandes,

 

– ordonné la réouverture des débats,

 

– réservé les dépens et la demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Par jugement prononcé le 24 juin 2015, le tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris a ordonné, avant dire droit, une mesure d’expertise, afin d’établir un compte entre les parties.

 

L’expert judiciaire, Maître S.-N., huissier de justice, a déposé son rapport le 7 décembre 2015.

 

Par jugement prononcé le 18 mai 2016, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal d’instance du 15ème arrondissement de Paris a :

 

– constaté la résiliation du bail consenti à Madame Aurora T. depuis le 30 juillet 2014,

 

– autorisé l’expulsion de Madame Aurora T., et de tous occupants de son chef des lieux,

 

Madame Aurora T. a interjeté appel des jugements et demandé à la cour, sur le fondement des articles 15 III de la loi du 6 juillet 1989 , en sa version issue de la loi Alur du 24 mars 2014, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré valide le congé délivré le 20 janvier 2014.

 

C’est dans ces circonstances que la Cour d’appel de PARIS a s’agissant du congé, considéré :

 

« Qu’il est constant que le bail a pris effet le 30 juillet 1993 et s’est tacitement reconduit depuis lors par période de trois ans jusqu’au 29 juillet 2014 ;

 

Que le congé a été ainsi régulièrement délivré le 20 janvier 2014 pour le 29 juillet 2014 ;

 

Que le bail étant en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi du 29 mars 2014 et, de surcroît, le congé ayant été délivré à Mme T. antérieurement, les dispositions de cette loi relatives à la délivrance du congé ne trouvent pas à s’appliquer, de sorte que la délivrance du congé est régi par l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 29 mars 2014, dite ‘Loi Alur‘ ;

 

Considérant que Mme T., née le 31 août 1940, invoque l’exception prévue par l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 au profit du locataire âgé de plus de soixante dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance ;

 

Mais considérant que les époux S. font justement valoir que, M. Elie S. étant né le 1er juin 1941 et étant ainsi âgé de plus de soixante ans lors de la délivrance du congé, ils sont en droit d’opposer à Mme T. la contre exception prévue par l’article 15 III au profit du bailleur âgé ;

 

Qu’en effet, il résulte du même texte que les dispositions invoquées par Mme T. ne sont pas applicables lorsque le bailleur est une personne physique âgé de plus de soixante ans ou si ces ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance ;

 

Qu’en l’espèce, M. S. remplissant l’une de ces conditions alternatives, puisqu’il était âgé de plus de soixante ans à la date d’échéance du contrat, peu important le montant des revenus des époux S., Mme T. n’est pas en droit de faire valoir l’exception prévue au profit du locataire âgé de plus de soixante dix ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance ;

 

Que le congé délivré à Mme T. pour le 29 juillet 2014 doit donc être déclaré valable et a fait obstacle au renouvellement du bail, de sorte que Mme T. est devenue occupante sans droit ni titre à compter du 30 juillet 2014 ».

 

Dès lors:

 

le bail étant en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 29 mars 2014,

 

et le congé ayant en outre été délivré à la locataire antérieurement,

 

les dispositions de LOI ALUR relative à la délivrance du congé ne trouvent pas à s’appliquer, de sorte que :

 

celle-ci demeure régie par l’article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 29 mars 2014 , dite “Loi Alur”,

 

le congé pour reprise est valable.

 

Aussi, si la locataire peut invoquer l’exception prévue par l’article 15 III de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 au profit du locataire âgé de plus de 70 ans et dont les ressources annuelles sont inférieures à une fois et demie le montant annuel du salaire minimum de croissance, le bailleur, âgé de plus de 60 ans lors de la délivrance du congé, est quant à lui en droit d’opposer à la locataire la contre-exception prévue par l’article 15 III au profit du bailleur âgé. 

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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