SOURCE : 3ème civ, 22 janvier 2014, n°12-26179, Publié au Bulletin.
Il résulte des dispositions de l’article L145-1 du Code de commerce que le bénéfice du statut des baux commerciaux n’est accordé qu’au locataire immatriculé au RCS ou au répertoire des métiers.
Cette condition, substantielle, constitue une cause péremptoire d’exclusion du statut[1] au-delà de la date à laquelle elle doit être remplie, c’est-à-dire :
à la date de renouvellement et d’expiration du bail[2] ;
à la date de signification du congé[3] : Aucun preneur qui ne serait pas immatriculé au jour de la délivrance du congé du bailleur déniant le droit au statut ne peut se prévaloir des dispositions du décret de 1953, et même si :
Le preneur s’immatricule postérieurement au congé[4] ;
Le défaut d’immatriculation est dû à une impossibilité d’exploiter le fonds à cause du bailleur[5].
Une décision de justice postérieure à cette date ordonne la réinscription rétroactive au registre[6] ;
Le défaut d’immatriculation est imputable au greffe[7].
En d’autres termes, pour la Cour de cassation, rien ne saurait justifier l’absence d’immatriculation du preneur à la date de délivrance du congé pour lui faire bénéficier du statut des baux commerciaux : le preneur doit être immatriculé dès cette date et se maintenir immatriculé jusqu’à la date d’expiration du bail[8]
Un tempérament peut toutefois être apporté à cette affirmation, comme en l’espèce, dans laquelle un bailleur avait signifié un congé à son preneur pour reprendre les locaux mis à disposition. Le preneur avait alors classiquement saisi le tribunal de grande instance territorialement compétent en reconnaissance de l’existence d’un bail commercial soumis au statut, auquel le bailleur excipait de l’absence d’immatriculation du preneur à la date de délivrance du congé.
Bien que relevant, en effet, l’absence d’immatriculation du preneur, les premiers juges, dont la décision est confirmée par la Cour d’appel de Rennes, ont constaté que le bailleur n’avait pris « aucune initiative procédurale, en percevant les loyers sans contestation et en demandant l’indexation de ceux-ci » de sorte que celui-ci avait « renoncé au congé ».
Le preneur s’étant immatriculé en cours de procédure, il jouissait ainsi du bénéfice du statut des baux commerciaux.
Dont acte, pour la Cour de cassation : le bailleur pouvait avoir renoncé au bénéfice de son congé. Mais cela n’impliquait pas d’octroyer d’office au preneur le bénéfice du statut des baux commerciaux : encore fallait-il qu’à la date de la demande du preneur, c’est-à-dire l’assignation, celui-ci soit immatriculé !
Tel n’étant pas le cas, la censure de l’arrêt était dès lors inévitable :
« Qu’en statuant ainsi, sans préciser si, à la date de l’assignation par laquelle [le preneur] revendiquait le bénéfice du statut des baux commerciaux, celle-ci était inscrite au registre du commerce et des sociétés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Civ, 23 février 1982, Ann Loy 1982-246
[2] 3ème civ, 1er juin 2010, n° 08-21.795, F-D ; 3ème civ, 18 mai 2005, n° 04-11.985 ; 3ème civ, 25 octobre 1983, n° 81-14.926, Bull civ III, n° 195
[3] 3ème civ, 15 avril 2008, n° 07-14.000, inédit ; 3ème civ, 01 avril 2008, n° 07-12.289, inédit
[4] 3ème civ, 2 juillet 1985, n° 84-11.373 ; 3ème civ 3, 6 janvier 1993, n° 91-13.904
[5] 3ème civ, 18 octobre 2005, n° 04-15.348, inédit
[6] 3ème civ, 12 janvier 1999, n° 96-17.210, Bull civ III n° 15
[7] 3ème civ, 03 mai 2011, n° 10-15.428, F-D
[8] 3ème civ, 2 juin 1999, n° 97-19324, Bull civ III n°124