Vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt et absence de délai imparti pour sa réalisation.

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

  

Source : Cour de cassation – 3ème Chambre civile – 15 janvier 2014 – n°12-28.362

 

En l’espèce, par promesse en date des 10 et 22 juillet 2008, les époux X ont vendu un immeuble aux consorts Y. sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt.

 

Si la réitération par acte authentique était fixée au plus tard le 30 septembre 2008, le compromis ne prévoyait cependant aucun délai dans lequel devait défaillir ou se réaliser cette condition.

 

Le 4 février 2009, les vendeurs ont fait sommation aux consorts Y. de signer l’acte définitif.

 

Ces derniers ont refusé au motif que la condition suspensive ne s’était pas réalisée dans les délais impartis.

 

Les vendeurs ont alors sollicité la condamnation des acquéreurs au paiement d’une somme de 59 000 € au titre de la clause pénale prévue par la promesse de vente.

 

Les acquéreurs ont quant à eux sollicité la restitution du dépôt de garantie, considérant la vente caduque.

 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence, par un arrêt en date du 3 juillet 2012, a débouté les vendeurs et fait droit à la demandes des candidats acquéreurs considérant que « le fait qu’il n’ait pas été précisé dans le compromis de date butoir spécifique pour la réalisation de la condition d’obtention du prêt est indifférent dès lors qu’il était convenu que la signature de l’acte devait intervenir au plus tard le 30 septembre 2008, ce qui impliquait nécessairement que les conditions suspensives devaient être réalisées à cette date ».

 

Réaffirmant la position prise notamment par un arrêt en date du 4 mai 2000 qui avait, lui, reçu les honneurs du Bulletin[1], la Cour de cassation casse et annule cette décision des juges du fond considérant « Qu’en statuant ainsi, alors que la promesse de vente n’avait enfermé la réalisation de la condition suspensive dans aucun délai et que la date avant laquelle la réitération devait intervenir n’était pas extinctive mais constitutive du point de départ à partir duquel l’une des parties pourrait obliger l’autre à s’exécuter et sans rechercher s’il était devenu certain que la réalisation de la condition n’aurait pas lieu », la Cour d’appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1176 du Code civil.

 

En effet, il est constant que lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé.

 

S’il n’y a pas de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie.

 

Elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas.

 

Si elle entend donner raison aux candidats acquéreurs et déclarer la vente caduque, la Cour d’appel d’Aix en Provence devant laquelle cette affaire a été renvoyée devra donc, aux termes de sa motivation, démontrer avoir recherché et pu établir qu’il était devenu certain que les consorts Y n’obtiendraient pas leur prêt.

 

Les consorts Y. devront donc quant à eux prouver que la réalisation de la condition suspensive était devenue, non pas seulement incertaine, mais impossible, préalable indispensable au succès de leur prétention.

 

Or, les circonstances de l’espèce ne semblent pas plaider en leur faveur.

 

En effet, il ressort des propres constatations des juges du fond que le versement à l’acquéreur d’une indemnité d’expropriation devait constituer l’apport personnel auquel la banque avait subordonné l’octroi du prêt.

 

S’il est établit que cette condition n’était pas remplie au 30 septembre 2008, le versement de l’indemnité est cependant intervenu le 21 novembre 2008 en sorte que, la condition suspensive de l’obtention d’un prêt n’étant soumise à aucun délai et la condition posée par la banque étant remplie au 21 novembre 2008, rien ne semblait faire obstacle à la réalisation de la condition suspensive à compter de cette date et à la réitération de l’acte suivant sommation des vendeurs en date du 4 février 2009.

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. 3ème civ., 4 mai 2000 – n°98-17.948.

 

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