Selon la Cour de Cassation, le refus du bailleur de renouveler le bail commercial ouvre au bénéfice du preneur un droit à une indemnité d’éviction, qui ne peut inclure les frais de dépollution de son installation classée
Source : Cass. 3ème Civ. 22 juin 2022 n° 20-20.844 FS – B
I –
Le litige soumis à l’examen de la Cour de Cassation portait sur le périmètre de l’indemnité d’éviction due par le bailleur d’un immeuble à usage de station-service au visa de l’article L.145-14 du Code de Commerce, en contrepartie de son refus d’accepter le renouvellement du bail.
Le bailleur, demandeur au pourvoi, faisait grief à l’Arrêt d’appel d’avoir intégré dans l’assiette de l’indemnité d’éviction, les frais de diagnostic, d’études et de travaux de dépollution et éventuellement de retrait des réservoirs de carburants à titre d’indemnité accessoire.
II –
A tort, répond la Cour de Cassation qui censure l’Arrêt au motif essentiel que le preneur, en sa qualité de dernier exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement au sens de l’article L.512-12-1 du Code de l’Environnement, est seul tenu, indépendamment de tout rapport de droit privé, à la mise en sécurité du site et à la neutralisation des réservoirs de carburants et de leurs équipements annexes
Cette décision, bien que publiée au bulletin, repose sur une doctrine qui n’est pas nouvelle puisque la Cour de Cassation juge jusqu’alors de manière systématique que la remise en état d’une installation classée est à la charge du locataire, dernier exploitant[1].
La Jurisprudence ne varie pas, même si le site était déjà pollué à la prise de possession des lieux[2].
Ce qui amène la rédaction de Chronos à rappeler le soin particulier à apporter à la rédaction des clauses d’un bail commercial portant sur l’exploitation d’un immeuble soumis à ICPE.
III –
En effet, la Cour de Cassation, pour rendre sa décision, s’inscrit dans une stricte interprétation des dispositions du Code de l’Environnement, selon lesquelles le dernier exploitant est seul tenu de dépolluer le site à l’égard de l’Administration.
Pour autant, cette analyse ne vaut qu’en l’absence de stipulation particulière qui pourrait laisser à la charge du bailleur l’obligation de rembourser les frais directs ou indirects liés à la procédure de retrait d’une installation classée. De telles stipulations seraient d’autant plus judicieuses dans les hypothèses où il est constaté une pollution du site, préalablement à la prise à bail.
Certes, le preneur resterait tenu de l’obligation principale de dépollution, mais il en ferait supporter le coût final notamment en cas de congé sans offre de renouvellement mais avec offre d’indemnité d’éviction au bailleur, ce qui est assez logique. La Cour de Cassation ne s’est jamais prononcée en ce sens. Cependant, à la connaissance de Chronos, deux Cours d’Appel ont statué en faveur de cette thèse[3].
[1] Voir notamment Cass. 3ème Civ. 10 avril 2002 n° 00-17874 FS – PB ou Cass. 3ème Civ. septembre 2013 n° 12-15.425 inédit
[2] Cass. 3ème Civ. 02 avril 2008 n° 07-12.155 FS – PBI
[3] CA PARIS 09 juin 2004 n° 02/21819 et CA BASSE TERRE 27 juillet 2012 n° 11/0117