SOURCE : Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 14 février 2018 n°15-16.525 F – P+B
Une société à responsabilité limitée ayant atteint un des seuils réglementaires d’effectif et d’activité rendant obligatoire la désignation d’un commissaire aux comptes, va être le théâtre d’un litige opposant l’associé majoritaire et le gérant de la société, tous deux entendant imposer le nom des commissaires aux comptes qu’ils avaient choisi.
C’est ainsi qu’une assemblée générale de la SARL était convoquée le 5 décembre 2011, la convocation comportait uniquement en annexe les candidatures des commissaires aux comptes titulaire et suppléants proposés par la gérance et non pas ceux proposés par l’associé majoritaire.
Au moment du vote, la résolution proposée par le gérant était rejetée au regard du vote contre de l’associé majoritaire.
Dans ces conditions, le gérant a déclaré mettre fin à l’assemblée générale alors que l’associé majoritaire proposait le vote d’une seconde résolution portant sur la seconde candidature, mesure à laquelle le gérant s’opposait faisant valoir qu’il avait la maîtrise de l’ordre du jour et que dès lors que la proposition de résolution avait été rejetée, le vote d’une seconde résolution nécessitait l’organisation d’une seconde assemblée générale.
Toutefois, nonobstant l’opposition du gérant, il était établi le texte d’une seconde résolution par laquelle l’associé majoritaire proposait la nomination de ses commissaires aux comptes, cette résolution mise au vote recueillant un vote favorable, le gérant, minoritaire, n’ayant pas voté et ayant refusé de signer la résolution adoptée dont il contestait la validité.
En suite de cette assemblée, le gérant a toutefois convoqué une seconde assemblée pour le 31 décembre 2011, assemblée au cours de laquelle était votée la désignation des commissaires aux comptes qu’il avait initialement proposée vraisemblablement en l’absence de l’associé majoritaire à cette assemblée.
Par suite, l’associé majoritaire attrayait la société et son gérant en justice afin de voir constatée la régularité des délibérations de l’assemblée générale en date du 5 décembre et, en conséquence, la régularité de la nomination des commissaires aux comptes qu’elle avait désignés et afin que soit constatée la nullité de la délibération postérieure du 31 décembre 2011 et, conséquemment, la nullité de la désignation des commissaires aux comptes désignés par le gérant.
En cause d’appel, cette affaire arrive par devant la Cour d’Appel de Saint Denis de La Réunion, laquelle dans un arrêt du 14 novembre 2014, considérant que les associés demeurent libres de leurs choix et peuvent voter pour un commissaire aux comptes différent de celui inscrit à l’ordre du jour, dans la mesure où le choix du commissaire aux comptes appartient aux assemblées délibératives et ne constitue pas un pouvoir propre du gérant, et que le pouvoir d’une assemblée générale ordinaire ne se limite pas à l’approbation ou au rejet des résolutions proposées mais s’étend à leur modification, l’assemblée générale ordinaire pouvant en sa qualité d’organe souverain modifier le texte des résolutions qui lui sont soumises.
En conséquence, la Cour d’Appel déclare valable la désignation lors de l’assemblée générale ordinaire du 5 décembre 2011 des commissaires aux comptes consécutivement à la modification de la résolution proposée au vote.
En suite de cette décision, l’associé et son gérant forment un pourvoi en cassation.
Bien leur en pris, puisqu’au visa des articles L.223-27 et R.223-20 du Code de Commerce, la Chambre commerciale, énonçant qu’est nouvelle une résolution proposant la nomination d’un commissaire aux comptes et d’un suppléant autres que ceux figurant dans la résolution adressée avec l’ordre du jour tendant aux mêmes fins de désignation, et qu’est par suite irrégulière la délibération de l’assemblée générale sur cette seconde résolution.
Par suite, la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions.
Christine Martin
Associée
Vivaldi-Avocats