AMAZON: Quand le référencement peut conduire à des actes de contrefaçon

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

AMAZON condamné à indemniser CARRE BLANC pour contrefaçon sur la base de ses pratiques de référencement.

Source : Tribunal judiciaire de Paris, 3e ch. – 2e sec., jugement du 10 Juin 2022

Le groupe CARRE BLANC est un des leaders français de la distribution du linge de maison.

Dans le cadre de ses activités, il a développé et déposé ses propres marques, notamment éponymes.

Considérant que les pratiques de référencement d’AMAZON étaient constitutives de contrefaçon de l’une de ses marques, le groupe CARRE BLANC avait fait assigner AMAZON devant le Tribunal judiciaire de Paris notamment sur le fondement d’actes de contrefaçon.

Il était en effet soutenu qu’AMAZON avait commis des actes de contrefaçon de la marque française « CARRE BLANC » n° 07 3 534 168 de différentes manières, à savoir à travers une stratégie répréhensible en matière de référencement naturel et de référencement payant.

En réponse, AMAZON affirme que la société requérante ne peut s’opposer à l’utilisation de la marque « CARRE BLANC » dès lors que des produits authentiques de différentes natures (housses de couettes, draps, serviettes) sont offerts à la vente sur la boutique accessible via le nom de domaine.

Au préalable, il est rappelé que l’article L. 713-3 du Code de propriété intellectuelle dispose que :

« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :


1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;


2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ».

Dans son jugement du 10 juin 2022 entrant en voie de condamnation à l’encontre d’AMAZON, le Tribunal judiciaire de Paris relève en premier lieu que le titulaire d’une marque est habilité à interdire à un annonceur de faire, à partir d’un mot clé identique ou similaire à ladite marque que cet annonceur a, sans le consentement dudit titulaire, sélectionné dans le cadre d’un service de référencement sur internet, de la publicité pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels ladite marque est enregistrée, lorsque ladite publicité fait usage de la marque de manière visible et ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci, ou au contraire d’un tiers.

Il précise que l’achat de mot-clé dans le cadre de campagnes de référencement payant n’est ainsi pas répréhensible en soi, et seule la création d’un risque de confusion dans l’esprit du public, en ce qu’un tel risque porte atteinte à la fonction d’identification de la marque, rend critiquable l’usage d’un mot clé identique à la marque d’un concurrent.

Par ailleurs, le fait, pour un distributeur, d’annoncer la vente de produits d’une marque alors qu’il n’en détient pas ou en détient un nombre d’exemplaires insuffisant pour répondre à la demande normale de la clientèle, afin d’attirer cette dernière et lui proposer des produits d’une autre marque, constitue la pratique prohibée dite « de la marque d’appel ».

Le Tribunal relève encore qu’aucun produit authentique n’était offert à la vente sur les pages accessibles en cliquant sur les liens indiqués, ce qu’un internaute d’attention moyenne était naturellement amené à croire, alors même que celui-ci se voyait systématiquement proposer du linge de maison de marques concurrentes,

Il en déduit que le recours à la marque « CARRE BLANC » dans le titre, l’URL, voire la description des pages litigieuses a donc permis d’accroître le référencement naturel de ces pages donc le trafic induit, en remontant leur apparition dans les résultats de recherche, alors même qu’aucun produit authentique n’y était proposé, ce qui est constitutif de la pratique prohibée de la marque d’appel.

En conséquence, le Tribunal entre en voie de condamnation à l’encontre d’AMAZON, condamnant cette société au paiement de la somme de 15.000 €uros à titre de dommages et intérêts.

On peut imaginer qu’AMAZON va interjeter appel de cette décision. Affaire à suivre.

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