Action en résiliation du bail pour défaut de paiement à l’échéance.

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 15 novembre 2016, pourvoi n° 14-25.767, n° 986 P+B+I.

 

La règle dite de « l’arrêt des poursuites individuelles » est la règle essentielle en matière de procédure collective. A compter du jugement d’ouverture de la procédure collective, les créanciers ne peuvent plus agir individuellement, en paiement des sommes qui leur sont dues. Ils doivent se soumettre à une discipline commune dans le cadre d’une procédure unique, sous la supervision de l’organe centralisateur : le mandataire judiciaire. Les multiples actions individuelles sont alors traitées sous une seule procédure … collective.

 

Cette règle de l’arrêt des poursuites individuelles figure à l’article L 622-21 du Code de Commerce qui dispose :

 

« I. – Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 et tendant :

 

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;

 

2° A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.

 

[…] »

 

Le cas d’espèce est intéressant, dans la mesure où le créancier, pour contourner la règle de l’interdiction des poursuites individuelles, soutenait une thèse audacieuse.

 

En effet, il faisait valoir que son cocontractant en procédure collective, preneur à bail dont il était lui-même bailleur, ne se trouvait pas dans une situation de défaut de paiement, mais de retards répétés dans le paiement des échéances du bail.

 

De sorte qu’il ne s’agissait pas là d’un cas de défaut de paiement, action dont la poursuite serait interrompue ou interdite par l’article cité ci-avant, mais d’un cas de mauvaise exécution n’ayant pas une nature financière.

 

A cela, il faut ajouter que le bailleur avait très vraisemblablement été incité à introduire un pourvoi en cassation, en raison de l’erreur commise par la Cour d’Appel, qui avait, dans son arrêt, visé l’article L 621-40 du Code de Commerce, c’est-à-dire l’article relatif à l’interdiction des poursuites individuelles, mais sous l’empire de la loi antérieure à la loi de sauvegarde, c’est-à-dire un article inapplicable aux faits d’espèce.

 

La Cour de Cassation rejette le pourvoi. Elle note bien évidemment l’erreur de la Cour d’Appel quant au visa de l’arrêt, mais précise qu’il ne s’agit finalement que d’une erreur matérielle, dans la mesure où la Cour a bien entendu se fonder sur la règle de l’interdiction des poursuites individuelles, texte qui n’a pas été modifié par la loi de sauvegarde, mais simplement transféré au nouvel article L 622-21.

 

Une fois cette correction de forme confirmée, la Cour de Cassation précise, dans un attendu de principe bien plus large que la simple question de la résiliation du bail commercial, que « l’action en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d’une somme d’argent, au sens de l’article L 622-21 ».

 

Très simplement, qu’il s’agisse d’un défaut de paiement « classique » (c’est-à-dire que le débiteur ne paie pas) ou de retards systématiques, le but du créancier qui introduit une action est le même : obtenir le paiement.

 

Il s’agit donc bien d’une action en résolution fondée sur le non-paiement d’une somme d’argent, qui est interrompue ou interdite par l’ouverture de la procédure collective.

 

Il ne faut d’ailleurs pas s’y tromper, la Cour de Cassation a entendu donner une portée large à sa décision, en lui donnant les honneurs du bulletin, mais également de la parution immédiate sur le site internet immédiate (arrêt P+B+I).

 

La décision apporte ici une précision intéressante.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats

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