Action en report de la date de cessation des paiements et droit propre du débiteur

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. Com., 22 mars 2017, pourvoi n° 15-18.277

 

Pour la deuxième fois en un mois, la Cour de Cassation rend un arrêt particulièrement bienvenue, s’agissant du respect du droit à un procès équitable, en procédure collective[1].

 

En l’espèce, un débiteur en nom propre avait été placé en liquidation judiciaire. Le jugement de liquidation du 17 octobre 2013 fixait la date de cessation des paiements une semaine plus tôt, au 10 octobre 2013, conformément à ce que le débiteur avait indiqué dans sa déclaration de cessation des paiements.

 

Le mandataire judiciaire, dans le cadre de sa mission, est rendu destinataire de plusieurs déclarations de créances faisant état de dettes échues en nombre important, datant du début de l’année. De même, il est informé de l’existence de plusieurs assignations en redressement judiciaire, délivrées notamment à la diligence de l’URSSAF et de la Pro BTP, en juin et juillet 2013.

 

Le mandataire présente alors une requête au tribunal en report de la date de cessation des paiements, sollicitant le report de la date de cessation des paiements. Le Tribunal fait droit à la demande et reporte la date du 31 mars 2013.

 

Le débiteur interjette alors appel de la décision, estimant que, dans la mesure où la requête déposée n’était pas une requête signée conjointement par lui-même et le mandataire, ce dernier était irrecevable à procéder par voie de requête et était tenu de lui délivrer une assignation. La cour le suit dans cette argumentation et reforme le jugement, déclarant la demande du mandataire irrecevable.

 

Le mandataire forme alors un pourvoi, qui est rejeté par la Cour, en ces termes :

 

« Le débiteur soumis à une procédure collective dispose d’un droit propre à se défendre à l’action tendant au report de la date de cessation de ses paiements dont la nature est contentieuse et qu’à cette fin, à défaut de la remise au greffe d’une requête conjointe ou de la présentation volontaire des parties constatées par la signature d’un procès-verbal, une assignation doit lui être délivrée ; qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni de ses conclusions que le liquidateur ait soutenu, devant la Cour d’appel, que le tribunal avait été saisi par voie de présentation volontaire des parties. »

 

Il s’agit là d’une solution établie et régulièrement rappelée par la Cour.

 

Mais le rappel est tout de même toujours utile : en effet, et très clairement, l’action en report de l’était de cessation des paiements n’est pas anodine. Elle prépare nécessairement d’autres procédures :

 

– Soit en reconstitution de l’actif : action en nullité d’une période suspecte allongée ;

 

– Soit en sanctions à l’encontre du dirigeant/débiteur, le retard dans le dépôt de l’état de cessation des paiements étant sanctionnable, en soi, par une mesure d’interdiction de gérer, mais constituant également une faute de gestion.

 

Tout aussi clairement, le débiteur/dirigeant a donc toujours intérêt à se défendre dans le cadre d’une telle action. Il n’est dès lors pas acceptable, au regard du respect des droits de la défense, que l’action en report puisse être traitée quasiment à son insu, par une simple requête.

 

Certes, l’article L631-8 du code de Commerce précise que le dirigeant doit avoir été appelé ou dûment entendu. Mais le respect de la contradiction suppose un exercice effectif de ce droit : dit autrement, l’assignation place le débiteur en position de défendeur, et lui laisse le temps de préparer sa défense, ce que ne permet pas, en pratique, sa simple audition dans le cadre d’une requête.

 

Le rappel est d’importance, et la solution particulièrement bienvenue.

 

Etienne CHARBONNEL

Vivaldi-Avocats


[1] Voir aussi notre article : Apurement du passif par le dirigeant : nécessairement dans le cadre d’une action en sanctions

 

 

 

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