Le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre

Harald MIQUET
Harald MIQUET

 

Source : LOI n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre (1) JORF n°0074 du 28 mars 2017 texte n° 1

 

1. Finalité du texte législatif

 

L’instauration du « devoir de vigilance » obligera toutes les entreprises qui, à la clôture de deux exercices consécutifs, emploient directement ou indirectement plus de 5 000 salariés en France et de plus de 10 000 salariés dans le monde, à établir un plan de vigilance.

 

L’objectif affiché est bien celui de prévenir des accidents liés notamment aux mauvaises conditions de travail, susceptibles de provoquer des atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement[1].

 

La loi prévoit une modalité d’action spécifique par la définition du contenu d’un plan de vigilance (2), une obligation de publicité (3) et la mise en œuvre de sanction en cas de non respet des prescriptions par les opérateurs assujéties (4).

 

2. Le contenu du Plan de vigilance

 

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société. Il faut d’abord relever l’imprécision de la notion, qui pourrait être la traduction de la notion anglo-saxonne de stakeholder, sans que le texte législatif ne désigne avec précision les organisations représentatives impliquées dans la définition.

 

Le plan comprend les mesures suivantes :

 

– Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

 

– Des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

 

– Des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

 

– Un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

 

– Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité.

 

A ce stade, il convient de souligner que le législateur a tracé en ces lignes les principes généraux du plan qui auront vocation à être précisés par dispositions de dispositions réglementaires « dans le cadre d’initiatives pluripartites au sein de filières ou à l’échelle territoriale ».

 

3. Publicité du Plan

 

Le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise effective est rendu public et inclus dans le rapport présenté par le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à l’assemblée générale en application des dispositions de l’article L. 225-102 du code de commerce.

 

4. Mise en œuvre de la responsabilité des acteurs et sanctions

 

En cas de manquement dans la mise en œuvre de ce plan, l’article 2 de la proposition de loi prévoit un régime de sanction spécifique, avec possibilité de mise en demeure, capacité de toute personne ayant intérêt à agir à déposer un recours en justice dans les conditions prévues aux articles 1240 et s. du code civil. Le législateur fixe un seuil de réparations et amende civile pouvant atteindre désormais 30 millions d’euros, en fonction de la gravité et des circonstances du manquement et du dommage.

 

L’action en responsabilité devra être introduite devant la juridiction compétente par toute personne justifiant d’un intérêt à agir à cette fin. Le juge saisi pourra ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci, éventuellement sous astreinte.

 

S’il est encore trop tôt pour évaluer un dispositif qui reste largement en l’attente de ses modalités applicatives, il nous faut souligner l’apport principal du texte qui réside dans un mouvement synchrone lié à :

 

– l’approfondissement de la RSE, dans un contexte de mondialisation par le développement du contrôle des chaînes de fournisseurs et sous-traitants ;

 

– la progression de la compétence des juridictions françaises à juger des faits survenus en dehors du territoire français. En cela, le dessein législatif apporte une pérennisation de la jurisprudence Erika[2] qui reconnaît la compétence des juridictions françaises à juger des faits survenus en dehors du territoire français et sanctionne la négligence de la société mère pour les agissements de ses filiales.

 

Harald MIQUET

Vivaldi-Avocats

 


[1] En ce sens on rappellera que l’adoption du texte n’est par étrangère aux événements dramatiques survenus en 2013 au Rana Plaza, au Bangladesh, qui ont suscité une indignation internationale. V.l’exposé introductifs de la propositon de loi par le député introductifs du rapporteur du texte Bruno LE ROUX

[2] Cass. Crim, 25 Septembre 2012, N/ 3439 CI

 

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