Acquéreurs et revendeurs de bien de seconde main, attention à la prescription de l’action en garantie des vices cachés !

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

 

 

Source : Cass. 1ère civ., 6 juin 2018, n° 17-17.438

 

I – Revente d’un bien après l’acquisition de la prescription extinctive

 

Le 28 novembre 2014, un couple de consommateurs a acquis auprès de la société JEAN LAIN AUTOSPORT un véhicule d’occasion de la célèbre marque allemande BMW. Notons que ce véhicule a été vendu une première fois par BMW FRANCE à la SAS SALEVE AUTOMOBILES et a été mis en circulation dans la foulée le 18 mars 2008.

 

Moins d’un an après, en juillet 2015, le véhicule subit une panne.

 

Dans ces circonstances, les acquéreurs, alléguant l’existence d’un vice caché sur le véhicule, ont assigné en référé JEAN LAIN AUTOSPORT et BMW FRANCE aux fins d’expertise les 9 et 10 février 2016.

 

La Cour d’appel de CHAMBERY a mis hors de cause BMW FRANCE en qualité de fabricant jugeant que « la prescription de l’action des acquéreurs contre le fabricant était « opposable » au vendeur intermédiaire, quand le délai pour agir à l’encontre du fabricant ne court pas à l’égard du vendeur intermédiaire tant que ce dernier n’a pas été assigné par l’acquéreur ».

 

Le revendeur a alors formé un pourvoi au soutien de plusieurs moyens procéduraux notamment relatifs à la prescription de l’action. Ainsi, le revendeur a soutenu son pourvoi au soutien des arguments suivants :

 

1) le point de départ de la prescription de l’action récursoire[1] en garantie des vices cachées du revendeur contre le fabricant est reporté au jour où le revendeur est lui-même assigné par l’acquéreur ;

 

2) le délai de l’action en garantie des vices cachés contre le fabricant est suspendu au profit du revendeur jusqu’à ce qu’une action soit exercée contre lui par l’acquéreur.

 

Concernant ce premier argument, le revendeur soutenait que le point de départ de la prescription pouvait être retardé avec une action récursoire en raison de l’existence d’une chaîne de contrats. Selon le revendeur, l’action exercée serait en réalité la sienne qui serait transmise à l’acquéreur final. En pratique, dès lors que l’acquéreur final assigne le revendeur à une jour J, ce jour constitue le point de départ du délai de la prescription de l’action du revendeur contre le fabricant qui serait ensuite transmise au revendeur final.

 

Réponse de la Cour de cassation : rejet du pourvoi, « la cour d’appel a retenu, à bon droit, que le point de départ du délai de la prescription extinctive prévu à l’article L. 110-4 du code de commerce, modifié par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, courait à compter de la vente initiale, intervenue le 18 mars 2008, de sorte que l’action fondée sur la garantie des vices cachés, engagée les 9 et 10 février 2016, était manifestement irrecevable, l’action contre le fabricant ne [peut] offrir à l’acquéreur final plus de droit que ceux détenus par le vendeur intermédiaire ».

 

Le débat est donc ici d’ordre procédural.

 

 II – Une action récursoire possible par le jeu de la chaîne de contrats ?

 

II – 1. Rappel des règles de droit

 

Prescription extinctive

 

L’article 2219 du Code civil définit la prescription extinctive comme « un mode d’extinction d’un droit résultant de l’inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps ».

 

L’article L. 110-4 du Code de commerce prévoit que « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes (…) ».

 

Application de la loi dans le temps

 

Dans sa version antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai de l’article précité était de dix ans.

 

Depuis la loi précité entrée en vigueur le 19 juin 2008, cette durée de prescription a été réduite à cinq ans.

 

En revanche, les dispositions de cette loi s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de son entrée en vigueur (soit le 19 juin 2008) sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure (soit 10 ans).

 

Action en garantie des vices cachés

 

Le point de départ du délai de prescription de l’action en garantie des vices cachés est la date de découverte du vice ou du défaut de conformité caché. Le droit prétorien dispose que le délai de cinq ans constitue un maximum.

 

II – 2. Une position constante de la Cour de cassation

 

La plus haute juridiction française tranche et choisit comme point de départ du délai de prescription le jour de la vente initiale (par le fabricant), soit en l’espèce, le 18 mars 2008.

 

Consécutivement, elle estime que l’action en garantie des vices cachés pour le revendeur était le 19 juin 2013, soit cinq ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2008 (19 juin 2008).

 

Il ressort de cela que toute action en garantie contre BMW était déjà prescrite au moment où l’acquéreur final a acheté la voiture auprès du revendeur, JEAN LAIN AUTOSPORT, le 24 novembre 2014.

 

Conclusion : le fabricant est « intouchable » : tant par des actions directes menées par l’acquéreur direct et par le revendeur de sorte que ce dernier ne peut pas « transmettre » sa propre action en garantie contre BMW à l’acquéreur final.

 

Il convient ainsi pour les revendeurs de biens d’occasion / de seconde main d’être vigilants quant au risque de prescription qui n’est pas couvert par le jeu des chaînes de contrats.

 

Victoria GODEFROOD-BERRA

Vivaldi-Avocats


[1] Une action récursoire est celle par laquelle une personne, contre laquelle est introduite une instance, y fait intervenir un tiers pour qu’il réponde des condamnations qui pourront être prononcées contre elle.

 

 

 

 

 

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