Caractérisation de la faute lourde d’un salarié gréviste.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 06 juin 2018, n° 17-18.770 (F-D).

 

Un salarié embauché le 1er juin 2009 pour une durée indéterminée par une société spécialisée dans la prestation de nettoyage et de collecte d’ordures ménagères a participé avec de nombreux collègues de travail à un mouvement de grève le 04 mars 2011 reconduit les jours suivants jusqu’au 07 mars 2011.

 

Convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement, il a été licencié pour faute lourde par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 07 avril 2011 pour des faits d’entrave à la liberté du travail, de participation personnelle à la fermeture des accès du site et obstacle à toute entrée ou sortie des véhicules, et fortes pressions sur les salariés se déclarant non-grévistes.

 

Contestant le bienfondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié va saisir la Juridiction Prud’hommale de demandes tendant à l’annulation de son licenciement.

 

Par un Jugement du 20 mai 2014, le Conseil des Prud’hommes de LYON, tout en reconnaissant l’illicéité du mouvement du grève va déclarer abusif le licenciement du salarié.

 

Par suite, l’employeur interjette appel de cette décision et cette affaire arrive par-devant la Cour d’Appel de LYON, laquelle, dans un Arrêt du 08 mars 2016, va tout d’abord considérer qu’en l’absence de revendication préalable à la cessation du travail et de préavis de grève déposé, la grève était illicite et que dès lors le salarié ne pouvait se prévaloir des règles protectrices attachées au droit de grève et obtenir, à ce titre, la nullité de son licenciement sur le fondement de l’article L.2011-1 du Code du Travail.

 

Sur l’entrave à la liberté du travail, le blocage du site et les pressions faites sur les salariés voulant travailler, la Cour considère que la matérialité des faits reprochés par l’employeur sont suffisamment établis d’une part par un constat d’Huissier et d’autre part par des attestations de salariés déclarant avoir voulu travailler, mais en avoir été empêchés.

 

Par suite, la Cour d’Appel considère que les faits reprochés sont établis et constitutifs d’une faute lourde, de sorte qu’elle déboute le salarié de l’ensemble de ses demandes.

 

A la suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, le salarié reproche à l’Arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande à bénéficier de la protection due aux salariés grévistes, alors que l’obligation de préavis énonçant le motif du recours à la grève et l’absence d’information préalable des revendications à l’employeur n’est pas opposable aux salariés qui ne sont pas représentants du personnel. Il reproche, en outre, au constat d’Huissier d’avoir donné un avis sur les conséquences de droit des faits constatés et que la faute lourde, qui se caractérise par l’intention de nuire à l’employeur laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice, ne peut pas résulter de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son argumentation.

 

Enonçant qu’appréciant souverainement la valeur des éléments de faits et de preuves qui lui étaient soumis, dont les constats d’Huissier de Justice, la Cour d’Appel qui a constaté que le salarié avait personnellement participé aux faits d’entrave à la liberté du travail de salariés non-grévistes en bloquant la sortie du camion du dépôt et en exerçant des pressions sur ses collègues afin de les inciter à empêcher les salariés non-grévistes de quitter les lieux pour exercer leur travail, la Cour d’Appel a, par ces seuls motifs, justifié légalement sa décision.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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