Source : Cass. Com., 28 février 2018, pourvoi n° 16-24.867 F-P+B+I.
L’ouverture d’une procédure collective a pour effet, outre de geler les dettes antérieures, d’arrêter également le cours des intérêts, mais uniquement pour les créances à échéance de moins d’un an.
A l’inverse, les intérêts continuent de courir pour les créances de plus d’un an, dont l’exemple le plus évident est le contrat de crédit. Le contentieux sur la déclaration des intérêts est particulièrement prolifique, car il recouvre un véritable enjeu pour les sociétés en procédure collective, confrontées à une difficulté majeure : l’étalement dans le temps de la créance bancaire, dans le cadre du plan de redressement par voie de continuation (ou plan de sauvegarde) et qui doit permettre le redressement de la société, est rendu plus compliqué par la poursuite du cours des intérêts, qui viennent alourdir les montants à rembourser.
S’agissant des modes de déclaration, on trouve en pratique deux méthodologies, qui sont plus ou moins acceptées selon les jurisprudences locales des Juges Commissaires.
La première, la plus courante, consiste à déclarer en scindant la créance en deux parties :
– Le capital restant dû au jour du jugement d’ouverture, d’une part,
– et le mode de calcul des intérêts (formule de calcul), d’autre part.
La seconde, moins courante, mais se rencontrant toutefois fréquemment en pratique, consiste à déclarer le montant global du coût du crédit, c’est-à-dire le montant de la mensualité du prêt, multiplié par le nombre de mensualités restant à courir. Ce second mode de déclaration incorpore donc au capital restant dû non échu les intérêts là encore non échus mais devant courir jusqu’à chaque exigibilité de chaque mensualité.
L’arrêt ici commenté porte sur la critique de ce second mode de déclaration, qui est traditionnellement considéré comme trop favorable à la banque, puisque la banque déclare généralement le coût total du crédit non échu, mais précise en outre que celui-ci est assorti d’intérêts. Le risque est que les intérêts soient comptés deux fois, une première fois dans la déclaration initiale, puis une seconde fois par le Commissaire à l’exécution du plan qui calculera des intérêts courus depuis le jugement d’ouverture sur les dividendes de plan dus à la banque.
C’est exactement le reproche qui est formulé par les Juges du fond, qui retiennent ce risque de double calcul des intérêts. Ce à quoi la banque rétorque, dans le cadre de son pourvoi, qu’elle avait précisément indiqué dans sa déclaration de créance que le coût global du crédit intégrait nécessairement les intérêts courus et que seule la majoration d’intérêts, ou les intérêts dus au-delà de la date d’exigibilité de chaque mensualité était à calculer. De sorte que dans sa déclaration, la banque estimait être à l’abri de toute critique quant au risque de double calcul des intérêts.
La Cour de cassation évite en quelque sorte le débat en semblant considérer que les deux modes de déclaration sont totalement équivalents, mais que le Juge Commissaire, et à sa suite la Cour d’Appel, n’encourt pas la cassation à substituer au second mode de déclaration le premier : « Il est loisible au Juge Commissaire d’admettre la créance d’intérêts de manière distincte et de substituer à leur montant déclaré les modalités de calcul qui résultent du contrat de prêt ».
La solution est intéressante en ce qu’elle ne retient pas qu’il existe un unique mode de déclaration des intérêts.
La Cour de cassation précise même l’inverse, à savoir qu’aucun texte n’oblige le créancier à distinguer, dans sa déclaration de créance, le montant des intérêts à échoir du montant du capital restant dû.
Mais très clairement, le mode de déclaration, et à sa suite d’admission de la créance qui consiste à scinder le capital restant dû (hors intérêts) du mode de calcul des intérêts, est de très loin le plus efficace et le plus simple, puisqu’il n’y a plus lieu de s’intéresser aux dates d’échéance de chacune des mensualités.
A l’inverse, une déclaration globale incorporant au capital restant dû les intérêts à échoir jusqu’à chacune des mensualités rend particulièrement mal aisé le calcul des intérêts lors de la distribution des dividendes de plan.
Et plus généralement, la Cour de cassation accorde en quelque sorte un blanc-seing au Juge Commissaire quant à l’admission des créances de plan. Il lui appartient d’être le plus pragmatique possible, dès lors que la manière dont il admettra la créance n’a pas pour effet d’en diminuer le montant ou la portée.
L’arrêt est donc particulièrement bienvenu.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats