Quand une transaction sur le montant du loyer révisé conduit au déplafonnement du loyer renouvelé…

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ., 15 février 2018, n°17-11866, FS – P+B+I

 

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, portant sur l’interprétations des dispositions des articles L145-34 et R145-8 du Code de commerce, la modification conventionnelle du loyer intervenue au cours du bail expiré dans des conditions étrangères tant à la loi qu’au bail initial peut s’analyser en une modification notable des obligations des parties justifiant à elle seule le déplafonnement du loyer du bail renouvelé[1]. Cette demande de déplafonnement du loyer formulée par le bailleur peut même se justifier par une diminution du loyer consentie au cours du bail expiré[2].

 

La question a toutefois pu se poser de savoir si l’accord sur le montant du loyer dans le cadre d’une procédure de révision devait ou non être considéré comme une fixation du loyer « dans des conditions étrangères à la loi ».

 

Plus précisément, un bailleur assigne son preneur en fixation du loyer révisé, a priori surle fondement de l’article L145-39 du Code de commerce[3], quelques mois avant l’expiration de la durée contractuelle du bail. En cours de tacite prolongation, le preneur délivre à son tour au bailleur une demande de renouvellement : un nouveau contentieux semble naitre entre les parties au titre de la fixation du loyer du bail renouvelé.

 

Les parties se rapprochent et conviennent de mettre fin amiablement au litige qui les lie au titre de la révision, en fixant le loyer à une certaine somme jusqu’au terme du bail précédent. Leurs accords n’ont donc pas porté sur le montant du loyer renouvelé, ce qui a permis au bailleur de solliciter la fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative, compte tenu de cette modification notable du montant du loyer intervenue au cours du bail expiré.

 

En défense, le preneur estime que la transaction est intervenue pour mettre fin à une procédure de révision judiciaire du loyer, de sorte qu’elle en serait l’extension. Le loyer n’aurait donc pas été fixé « dans des conditions étrangères à la loi ».

 

La Cour d’appel de Paris ne partage pas cette analyse. Elle considère que l’accord sur le montant du loyer n’est pas le prolongement de la procédure judiciaire mais une renonciation à ladite procédure. Il s’agit donc d’une fixation conventionnelle du loyer librement intervenue entre les parties.

 

Puisque toute modification conventionnelle du loyer ne constitue pas en soi une cause de déplafonnement, seules les modifications notables permettant au bailleur d’échapper aux règles du plafonnement[4], la Cour d’appel de Paris analyse le montant de l’augmentation et estime que la modification des obligations des parties est notable, justifiant la fixation du loyer de renouvellement à la valeur locative.

 

L’arrêt est confirmé par la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi.

 

Il résulte de ce qui précède que la transaction était ici lacunaire, puisqu’elle englobait la révision du loyer mais pas le renouvellement : la conclusion d’un nouveau bail entre les parties aurait ainsi permis au preneur d’échapper à la fixation du loyer à la valeur locative, et de continuer à payer le loyer convenu dans l’avenant litigieux. Cela supposait certes la participation du bailleur : Mais connaissance prise de la jurisprudence du Tribunal de Grande Instance de Paris selon laquelle la révision légale du loyer intervenue en cours de bail n’est pas une modification notable des obligations des parties permettant d’écarter les règles du plafonnement lors du renouvellement[5], le bailleur …aurait pu, par prudence, accepter un tel dénouement au litige.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] 3ème civ, 4 avril 2001, n°99-18899, AJDI 2001 p513 ;

[2] 3ème civ, 24 mars 2004, n°02-16933, obs Yves Rouquet, Recueil DALLOZ 2004 p1456

[3] Yves Rouquet, Dalloz actualité 26 février 2018 : réajustement du loyer en cours de bail : attention au déplafonnement

[4] 3ème civ, 5 mai 2004, n°506, RJDA 8-9/04 n°952 : une modification du loyer de faible importance par avenant n’entraine pas le déplafonnement du loyer de renouvellement ; Tel est notamment le cas d’une diminution de loyer de 16,5% (3ème civ, 21 mars 2006, n°05-11295). En revanche, l’augmentation de loyer de 14,7 % en contrepartie d’une autorisation d’enseigne personnelle, incessible précaire et révocable à tout moment justifie le déplafonnement (CA PARIS, 22 mai 2013, n°11/12440)

[5] TGI de Paris, 16 décembre 2009, n°098387, M. c/ société Nassim

 

 

 

 

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