Rétractation de l’offre de renouvellement pour motif grave et légitime

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 9 novembre 2017, 16-23.120, Publié au bulletin 16-23.120 FS-P+B+I

 

Si le congé est un acte unilatéral qui, une fois émis, est définitif, de sorte qu’il ne peut être rétracté sans l’accord de son destinataire, l’offre qu’il véhicule (le renouvellement ou l’indemnité d’éviction) peut quant à elle être rétracté, notamment lorsque le bailleur invoque un motif grave et légitime.

 

Cette rétractation peut être exercée au-delà de la date de renouvellement qui n’est que provisoire en attente d’un accord de volonté des parties sur le prix. Mais elle n’est possible que si :

 

1. le bailleur découvre l’infraction du preneur après avoir proposé ou accepté le renouvellement. A défaut, il couvre l’irrégularité[1] ;

 

2. l’action en fixation du loyer n’est pas prescrite, ou qu’aucun accord ne soit intervenu sur le prix : il faut en effet que le renouvellement demeure provisoire, et non définitif[2] ;

 

3. l’action est introduite dans les deux ans de la découverte de l’infraction, et non à compter de la date de délivrance du congé, ce que précise l’arrêt présentement commenté.

 

En l’espèce, un bailleur délivre à son preneur en 2008 un congé offre de renouvellement qu’il rétracte…en 2013, au titre de la violation de la clause de destination dont il est démontré que cette infraction préexistait au congé, et qu’elle n’avait été découverte par le bailleur qu’en 2012, quatre ans plus tard.

 

Nulle référence à l’action en fixation du loyer, mais supposons pour les besoins de la discussion qu’un débat sur le montant du loyer se déroule en toile de fond : Les débats se cantonnent ici à la prescription biennale de l’action.

 

Pour le preneur, la prescription biennale de l’action en rétractation a pour point de départ la date de délivrance du congé. Il considère subsidiairement que le bailleur prudent et diligent aurait dû s’apercevoir avant 2012 de l’infraction du preneur, de sorte que le point de départ de la prescription devait être avancé.

 

La Cour de cassation ne suit pas les raisonnements du preneur et considère « que le délai de prescription de l’action en rétractation de l’offre de renouvellement du bail pour motif grave et légitime court à compter du jour où le bailleur a eu connaissance de l’infraction qui fonde son refus » et d’ajouter que «  la bailleresse avait découvert l’exercice d’activités non autorisées par le bail le 7 mars 2012, la cour d’appel en a exactement déduit que l’action n’était pas prescrite ; »

 

Autrement dit, à l’instar de la prescription de droit commun de l’article 2224 du Code civil, l’action se prescrit à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer .

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] 3ème civ, 4 mai 1973, 72-10.977, Publié au bulletin ; 3ème civ, 4 mai 1982, 80-16.305, Publié au bulletin ; 3ème civ, 7 juillet 2004, 03-11.152, Publié au bulletin

[2] CA PARIS, 16 juin 1983, CH 16 B Gaz Pal 1983 II p380

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