SOURCE : CE, 10 février 2017, N°397630
C’est la position, parfaitement justifiée, retenue par le Conseil d’Etat, dans cette décision motivée comme suit :
« …
La Mutuelle des Architectes Français (MAF) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum les sociétés Sanichauf et Oth Est à lui verser la somme de 135 459,93 euros au titre de la réparation des désordres affectant le bâtiment des archives de la communauté urbaine de Strasbourg. Par un jugement n° 0702151 du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la MAF.
(…)
Par un arrêt n° 14NC02074 du 29 décembre 2015, la cour administrative d’appel de Nancy a annulé le jugement du 22 mars 2012 du tribunal administratif de Strasbourg et condamné in solidum la société Sanichauf et la société Egis Bâtiments Grand Est, venant aux droits de la société Oth Est, à verser à la MAF une somme de 69 482,53 euros. Le surplus des conclusions d’appel de la MAF a été rejeté.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mars et 3 juin 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la MAF demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt, en tant qu’il rejette le surplus de ses conclusions d’appel ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses conclusions ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Sanichauf et Egis Bâtiments Grand Est la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
(…)
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté urbaine de Strasbourg a conclu un marché de travaux pour la construction d’un bâtiment destiné aux archives communautaires dont la conception technique a été confiée à la société Oth Est, aux droits de laquelle sont venues la société Iosis Grand Est puis la société Egis Bâtiments Grand Est, et dont le lot ” chauffage, ventilation, climatisation ” a été attribué à la société Sanichauf ; qu’elle a souscrit auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF) une police d’assurance dommages-ouvrages ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 29 mars 2004 ; que le 26 avril 2005, la communauté urbaine de Strasbourg a adressé à la MAF une déclaration de sinistre portant sur ce bâtiment ; que, par un jugement du 22 mars 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la MAF tendant à ce que les sociétés Sanichauf et Oth Est soient condamnées à lui verser une somme de 135 459,93 euros en réparation des désordres affectant le bâtiment ; que, par un premier arrêt du 1er août 2013, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté la requête de la MAF contre ce jugement ; que, par une décision du 15 octobre 2014, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire à la cour ; que par un second arrêt du 29 décembre 2015, celle-ci a annulé le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 22 mars 2012 et condamné in solidum les sociétés Sanichauf et Egis Bâtiments Grand Est à verser à la MAF une somme de 69 482,53 euros ; que la MAF se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions d’appel ; que, par la voie du pourvoi incident, la société Sanichauf en demande l’annulation en tant qu’il a fait partiellement droit aux conclusions d’appel de la MAF ;
( …) Sur le pourvoi principal :
3. Considérant, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code des assurances, dans sa rédaction alors en vigueur : ” Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage (…), fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l’ouverture du chantier (…) une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs (…) ” ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 121-12 du même code : ” L’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur ” ; que, d’autre part, aux termes de l’article L. 121-17 de ce code : ” (…) les indemnités versées en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d’assiette, d’une manière compatible avec l’environnement dudit immeuble. / Toute clause contraire dans les contrats d’assurance est nulle d’ordre public. / (…) ” ; qu’il résulte des dispositions de l’article L. 121-12 du code des assurances cité ci-dessus que la subrogation légale de l’assureur dans les droits et actions de l’assuré est subordonnée au seul paiement à l’assuré de l’indemnité d’assurance en exécution du contrat d’assurance et ce, dans la limite de la somme versée ; que si l’assuré est tenu, en application des dispositions de l’article L. 121-17 du code des assurances précitées, d’utiliser l’indemnité versée par l’assureur en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti pour procéder à la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d’assiette, la méconnaissance de cette obligation, qui ne concerne que la relation entre l’assureur et son assuré, est dépourvue d’incidence sur la recevabilité comme sur le bien fondé de l’action subrogatoire de l’assureur à l’encontre du tiers responsable du dommage, régie par l’article L. 121-12 de ce code ;
4. Considérant, par suite, qu’en recherchant, pour statuer sur l’action subrogatoire de la MAF tendant à l’engagement de la responsabilité des sociétés Sanichauf et Egis Bâtiments Grand Est au titre de la garantie décennale, si la communauté urbaine de Strasbourg avait procédé aux travaux de reprise d’ouvrage ayant justifié l’indemnité versée par la MAF, la cour administrative d’appel de Nancy a ajouté à l’article L. 121-12 du code des assurances une condition qu’il ne prévoit pas et a, ce faisant, entaché son arrêt d’erreur de droit ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, que la MAF est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque en tant qu’il a rejeté le surplus de ses conclusions d’appel ;
(…)
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 29 décembre 2015 de la cour administrative d’appel de Nancy est annulé en tant qu’il a rejeté le surplus des conclusions d’appel de la MAF… »
La Cour administrative d’appel avait effectivement ajouté une condition à l’article L.121-12 du code des assurances qui subordonne la subrogation légale au seul paiement par l’assureur DO de l’indemnité à l’assuré.
Cette décision mérite amplement l’approbation.
Kathia BEULQUE
Vivaldi-Avocats