SOURCE : 3ème civ, 12 mai 2016, n°15-14117, Inédit
Les conventions de bail commercial contiennent systématiquement une clause résolutoire selon laquelle à défaut pour le preneur de se conformer aux clauses et conditions du bail, notamment concernant le règlement des loyers et des charges, dans un délai d’un mois suivant la délivrance d’un commandement visant la clause résolutoire lui rappelant l’obligation méconnue, le bail sera résilié de plein droit.
Le bail attribue généralement compétence au juge des référés territorialement compétent pour constater la résiliation du bail et prononcer l’expulsion corrélative du preneur et de l’ensemble des occupants de son chef.
C’est dans ce contexte qu’un bailleur, qui n’avait pas reçu le règlement de loyers, a délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire au preneur, qui n’y a pas déféré dans le mois.
Le bailleur a donc assigné son cocontractant par devant le juge des référés qui a constaté, par ordonnance réputée contradictoire du 1er décembre 2010, la résiliation du bail et prononcé l’expulsion du preneur.
La décision signifiée, n’ayant fait l’objet d’aucun appel du preneur, le bailleur en a poursuivi l’exécution, puis a obtenu l’expulsion du preneur et reloué les locaux.
Cependant, par acte du 28 mai 2011, le mandataire liquidateur du preneur, se prévalant du règlement complet de la dette par des versements effectués avant et après le prononcé de l’ordonnance de référé, a sollicité et obtenu du juge du fond, des délais de paiement avec effet rétroactifs.
Saisie du litige, la Cour d’appel de Paris considère que l’ordonnance de référé n’ayant pas autorité de chose jugée au principal, elle n’interdit pas au juge du fond d’accorder des délais de grâce au preneur de bonne foi lorsque celui-ci n’en a pas bénéficié devant le juge des référés.
Or pour la Cour d’appel le preneur, qui avait apuré sa dette locative avant l’expulsion, était de bonne foi, ce qui justifiait l’octroi de délais de paiement.
En conséquence, en poursuivant l’expulsion du preneur et en relouant les locaux à un tiers, alors que le bail du preneur devait se poursuivre, le bailleur est condamné par la Cour d’appel de Paris à indemniser la liquidation judiciaire du preneur du préjudice subi par l’éviction, dont le montant doit correspondre à la valeur du fonds de commerce.
Le Bailleur a formé un pourvoi contre l’arrêt, mais la Cour de cassation le confirme en laissant à l’appréciation des juges du fond l’opportunité d’accorder ou non des délais de paiement au débiteur de bonne foi.
La prudence est donc de rigueur concernant l’exécution d’une ordonnance de référés constatant la résiliation du bail, surtout lorsque le solde locatif a finalement été apuré par le preneur avant l’expulsion. Dans ce dernier cas, mieux vaut peut-être pour le bailleur solliciter du juge du fond la « confirmation » de la décision, sauf à s’exposer au règlement de dommages et intérêts correspondant à la valeur du fond de commerce.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats