Déclaration nationale d’insaisissabilité, créancier antérieur et débiteur en procédure collective : suite et fin

Eric DELFLY
Eric DELFLY - Avocat associé

 

Source Cass. Com., 5 avril 2016, n˚ 14-24.640, FS-P+B

 

Si un créancier, titulaire d’une sûreté réelle, à qui la déclaration d’insaisissabilité d’un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l’article L. 526-1 du Code de commerce peut faire procéder à sa vente sur saisie, il ne poursuit pas cette procédure d’exécution dans les conditions prévues par L. 643-2 du Code de commerce ,lequel concerne le cas où un créancier se substitue au liquidateur n’ayant pas entrepris la liquidation des biens grevés dans les trois mois de la liquidation et non celui où le liquidateur est légalement empêché d’agir par une déclaration d’insaisissabilité qui lui est opposable. Il en résulte que ce créancier n’a pas à être autorisé par le juge-commissaire pour faire procéder à la saisie de l’immeuble qui n’est pas, en ce cas, une opération de liquidation judiciaire.

 

Telle est la solution énoncée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt commenté.

 

En l’espèce, une cour d’appel avait déclaré la procédure de saisie immobilière irrecevable et ordonné la radiation du commandement aux fins de saisie immobilière [1] publié par un créancier hypothécaire sur un immeuble d’un débiteur en liquidation judiciaire qui faisait l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité

 

Pour fonder sa décision la Cour jugeait que la circonstance que l’immeuble du débiteur ait fait l’objet, avant l’ouverture de la liquidation judiciaire, d’une déclaration d’insaisissabilité n’autorise pas le créancier hypothécaire à s’abstenir de saisir le juge-commissaire d’une demande de vente aux enchères publiques en application des dispositions des articles L. 642-et R. 642-22 et suivants du Code de commerce, auxquelles il ne peut être dérogé.

 

Mais, énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 526-1 et L. 643-2 du code de commerce .La solution n’est pas surprenante. Elle s’induisait de la confirmation de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur l’opposabilité à la procédure collective du débiteur.[2]

 

S’il est désormais acquis que le créancier muni d’une sureté peut gérer sa procédure de saisie immobilière sans avoir à en référer à la procédure collective, celui-ci ne devient pas pour autant un créancier en dehors de la procédure collective .Il ne faut en effet pas oublier qu’une sureté est attachée à une créance et que l’absence de déclaration de la créance objet de la sureté n’a pas encore été abordé par la Cour de Cassation. La prudence impose donc au créancier de déclarer sa créance au passif de la procédure collective dans le délai de la loi, tout autant pour participer à la répartition de l’actif du débiteur dans le cas où la vente du bien immobilier ne couvrirait pas l’intégralité de sa créance que pour se prémunir de toute contestation sur l’existence de la créance garantie par la sureté .

 

Si vous avez manqué le début :

 

article du 21 octobre 2011 : L’opposabilité au liquidateur de la déclaration d’insaisissabilité

 

article du 23 avril 2012 : La déclaration notariée d’insaisissabilité de la résidence principale (article L.526-1 du code commerce)

 

article du 27 mars 2012 : Le liquidateur judiciaire et déclaration d’insaisissabilité

 

article du 7 septembre 2012 : Le banquier, son client en procédure collective, son immeuble frappé d’insaisissabilité : la « valse à deux temps »

 

article du 26 juin 2013 : Irrecevabilité de l’action Paulienne du liquidateur à l’encontre d’une déclaration d’insaisissabilité.

 

article du 31 décembre 2013 : Juge de l’Exécution contre Juge Commissaire dans la vente aux enchères d’un immeuble

 

article du 17 octobre 2014 : Une déclaration d’insaisissabilité ne rend pas l’immeuble indisponible pour une hypothèque judiciaire conservatoire

 

article du 19 mai 2015 : Projet de loi MACRON : vers une généralisation de l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel

 

article du 8 juin 2015 : Les créanciers privilégiés et chirographaires, la déclaration d’insaisissabilité et la procédure collective du débiteur.

 

Eric DELFLY

Vivaldi-Avocats

 


[1] CA Grenoble, 30 juin 2014, n˚ 14/00193.

[2] Cass com. 24 mars 2015 n° 14-10175 FS.P+B

Partager cet article