SOURCE : Cass Com., 1er mars 2016, n°14-14716, FS – P + B
Le contrat de bail commercial ne peut interdire au preneur de céder son droit au bail à l’acquéreur de son fonds, conformément à l’article L145-16 al 1 du Code de commerce.
Mais cette prohibition ne s’applique pas aux clauses limitant ou aménageant le droit du preneur de céder son droit au bail, qui sont valables[1] et dont le non respect peut entrainer la résiliation du bail.
Tel est le cas lorsque qu’une clause du contrat stipule que la cession du bail sera réalisée par acte authentique[2], puisque cette forme de cession permet au bailleur à bail authentique permet de conserver son titre exécutoire à l’encontre du cessionnaire.
En l’espèce, le Tribunal de commerce de Nanterre avait arrêté le plan de cession des actifs d’une société, invitant le cessionnaire « à respecter les conditions et obligations des contrats dont la cession est ordonnée ».
Bien que convoqué, le bailleur ne s’est pas présenté à la cession, réalisée sous seing privée. La cession n’ayant pas été réalisée par acte authentique, le bailleur en sollicite la résiliation et l’expulsion corrélative du cessionnaire.
La Cour d’appel d’Aix en Provence fait droit à sa demande. Elle considère que la cession « doit s’accomplir dans le respect des conditions et obligations du contrat », « la procédure collective ne pouvant avoir pour effet de mettre à néant le respect des formes prévues au contrat, ce que rappelle au demeurant le jugement du tribunal de commerce ». Elle en déduit que « la cession du fonds de commerce par acte sous seing privé, hors respect des obligations prévues au contrat, en l’espèce l’établissement d’un acte authentique, constitue ainsi sans conteste une infraction aux clauses du bail. Cette infraction est immédiate et irréversible et ne peut faire l’objet d’aucune régularisation comme le demandent les intimées. Cette infraction présente un caractère de gravité suffisant pour conduire à la résiliation du bail ».
La Cour de cassation ne partage pas sa position et casse l’arrêt, eu égard à la spécificité des procédures collectives. Ainsi, sur le fondement de l’article L642-7 du Code de commerce, la Haute juridiction précise aux juges du fond, par un attendu de principe ci-après reproduit, que « sauf disposition contraire du jugement arrêtant le plan de cession, la cession judiciaire forcée du bail commercial en exécution de ce plan n’est pas soumise aux exigences de forme prévues par ce contrat ».
Par conséquent, à défaut pour le tribunal de commerce de Nanterre d’avoir dit que la cession des éléments d’actifs sera réalisée par acte authentique, le bailleur perd son titre exécutoire, dont il disposait à l’égard du cédant, à l’encontre du cessionnaire.
Il aurait donc finalement été opportun pour le bailleur de suivre plus attentivement la cession et de solliciter du Tribunal qu’il se positionne fermement sur la forme de la cession du fonds de commerce.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 2 octobre 2002, n°01-02.035, FS-P+B
[2] Cass com., 12 juin 1963, Bull civ 1963 n°294 ; Cass com., 3 novembre 1965, Bull civ 1965 n°549 ; CA Paris, 3 novembre 1992, CH16B, Sté Socofinor c/Brettonneau, JCP N 93 II p255, com Brault ; CA Paris, CH16A, 19 juin 2002, SARL CETICI c/ HIDDEN