Extension de procédure collective : l’avertissement du créancier titulaire d’une sûreté publiée doit-il être réitéré par le mandataire judiciaire ?

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 28 juin 2017, n°16-16.746, F-P+B+I

 

I – Bref rappel des textes visés

 

Les articles L.622-24 et L.622-26 du Code de commerce prévoient que les créanciers d’une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective titulaires d’une sûreté publiée ou liés à elle par un contrat publié doivent, à peine de forclusion, déclarer leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’avertissement que leur adresse le mandataire ou le liquidateur judiciaire à propos de cette déclaration.

 

L’avertissement doit contenir notamment la reproduction des textes du Code de commerce relatifs à la déclaration de créance (délai, modalités, relevé de forclusion etc.), ainsi que celle de l’article R.621-19 du même Code, en vertu duquel les créanciers peuvent demander à être informés par le mandataire judiciaire du déroulement des étapes essentielles de la procédure collective.

 

II – Les faits

 

La procédure de redressement judiciaire ouverte à l’égard d’un débiteur est étendue à son épouse. Une banque a déclaré au passif de la procédure du mari une créance au titre d’un prêt consenti aux époux, et garanti par une sûreté réelle régulièrement publiée. Elle déclare à nouveau sa créance à titre privilégiée au passif de la procédure étendue à la femme, au titre dudit prêt.

 

Le mandataire judiciaire lui oppose à cette occasion la tardiveté de sa déclaration. La banque saisit le juge-commissaire aux fins de voir juger que le délai de deux mois n’a pas couru contre elle, faute d’avoir été destinataire de l’avertissement prévu à l’article L.622-24 du Code de commerce.

 

La cour d’appel déclare la banque forclose, et retient que le premier avertissement a fait courir le délai de deux mois, peu important que cet avis n’est pas mentionné pas la femme, ni le jugement d’extension à l’égard de cette dernière, dès lors que la créance de la banque résulte d’un prêt consenti aux deux époux et que, par l’effet de l’extension de la procédure collective, ces deux personnes se sont trouvées réunies en une procédure collective unique avec patrimoine commun et unicité d’actifs et de passif. Elle en déduit que cet avertissement a suffi à informer la banque de ses droits et obligations.

 

La banque s’est pourvue en cassation.

 

III – L’arrêt de cassation

 

Lors de l’extension de la procédure collective, le mandataire doit, en application de l’article R.622-21 du code de commerce, adresser au créancier hypothécaire un avis l’invitant à déclarer sa créance au passif en l’informant clairement et sans aucune équivoque de l’extension de la procédure collective et de l’identité du débiteur à l’égard duquel la procédure a été étendue, et ce afin que le créancier puisse valablement déclarer la créance qu’il détient contre ce dernier. L’arrêt d’appel est cassé pour violation de la loi.

 

Jusqu’alors la Cour de cassation n’avait pas eu l’opportunité de se prononcer sur cette question sous l’empire des dispositions légales dans leur rédaction issues de l’ordonnance de 2008. Elle avait précédemment jugé que le créancier forclos à l’égard d’un débiteur en liquidation judiciaire peut déclarer sa créance à l’égard du codébiteur solidaire auquel la procédure a été étendue et qui est une personnalité distincte[1] (13). C’est désormais chose faite :

 

« le jugement qui étend à l’un la procédure collective ouverte à l’égard de l’autre fait courir au profit de ce créancier à compter de sa date de publication, un nouveau délai pour déclarer sa créance quand bien même il l’a déjà déclarée au passif de la procédure initialement ouverte »

 

IV – L’application rigoureuse de l’avertissement du créancier titulaire d’une sûreté publiée lors de l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de son débiteur

 

La Cour de cassation fait une lecture drastique des textes et a déjà précisé notamment que l’avertissement adressé à un créancier titulaire d’une sûreté publiée d’avoir à déclarer sa créance est insuffisant à l’informer de tous ses droits et obligations s’il ne reproduit pas les textes requis. Il ne fait donc pas fait courir le délai de déclaration de la créance[2].

 

L’avertissement que le mandataire ou le liquidateur judiciaire doit adresser à tout créancier titulaire d’une sûreté publiée ou lié au débiteur par un contrat publié est destiné à informer celui-ci de l’ouverture de la procédure collective de son débiteur, et des modalités suivant lesquelles la déclaration des créances doit être effectuée. Mais il tend également à l’informer de ses autres droits ou obligations, comme par exemple :

 

– La faculté de demander à être désigné contrôleur (art. L.621-10 et R.621-24 du Code de commerce) ;

 

– De communiquer ou de recevoir certains actes de procédure par voie électronique (art. R.814-58-3 du Code de commerce) ;

 

– D’être informé par le mandataire judiciaire du déroulement de la procédure (art. R.621-19 du code de commerce).

 

Cette rigueur doit aussi s’appliquer au cas de l’extension de la procédure collective. Nous voilà sommes désormais prévenus !

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Cass. com., 11 déc. 2001, n° 98-22.643, FS-P

[2] Cass. com. 22 mars 2017 n°15-19.317, F-P+B+I ; Cass. com. 15 févr. 2001 n°98-16.306 FS-P ; Cass. com. 27 févr. 2007 n°06-12.033 FS-P+B ; Cass. com. 7 juill. 2009 n°07-17.028, F-P+B

 

 

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