SOURCE : 3ème civ, 15 octobre 2015, n°14-18077, FS – P+B
Les insectes xylophages, et les termites en particulier, peuvent occasionner des dégâts importants dans les bâtiments en dégradant le bois et ses dérivés utilisés dans la construction. Leur activité peut affecter la qualité d’usage des bâtiments mais aussi causer des désordres importants dans leur structure même. Dans les cas les plus extrêmes, elle peut conduire à leur effondrement.
Le législateur a donc inséré dans le code de la construction et de l’habitation un dispositif de lutte contre ces nuisibles, dont la présence doit être repérée, dans les départements infestés, par une personne présentant des garanties de compétence et disposant d’une organisation et de moyens appropriés[1], dont les constatations devront être obligatoirement annexées à tout acte de vente immobilière (et facultativement à tout dossier de location pour préserver les droits du propriétaire).
En l’absence d’un tel document à l’acte de vente ou au compromis, le vendeur ne peut se retrancher derrière la clause exclusive de responsabilité des vices cachés habituellement stipulée dans l’acte conformément aux dispositions de l’article 1643 du code civil[2]. En d’autres termes, en cas de découverte de termites par l’acquéreur :
Si aucun diagnostic technique ne figure en annexe de l’acte de vente, l’acquéreur peut engager la responsabilité du vendeur ;
Si un diagnostic, même erroné, figure en annexe de l’acte de vente, l’acquéreur ne peut poursuivre le vendeur en résolution de la vente en raison de la clause exclusive de responsabilité figurant à l’acte.
Dans ce dernier cas, l’acquéreur n’a d’autre choix que d’engager la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur pour obtenir la réparation de son préjudice. Cette action lui est ouverte sur la base d’un manquement dans l’exécution de la convention conclue entre le vendeur et le diagnostiqueur : en effet, « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage »[3].
Tel est le cas dans cette affaire dans laquelle un diagnostiqueur, missionné pour une recherche d’insectes xylophages dans un immeuble situé sur la commune de Nérac, donc en zone « infestée »[4], conclut à l’absence de termites, sous les réserves d’usage d’accessibilité.
Dans le cadre de travaux, les acquéreurs découvrent toutefois la présence de termites, et assignent le diagnostiqueur en sollicitant de sa part la prise en charge des travaux de destruction des parasites.
La Cour d’appel d’Agen retient la responsabilité du diagnostiqueur sur la base d’un rapport d’expertise judiciaire qui relevait une faute de sa part dans l’exécution de sa mission, puisque la présence de termites étant ancienne et visible. Mais les juges du fond cantonnent le préjudice des acquéreurs à la perte de chance de ne pas acheter le bien litigieux, et aux frais de diagnostic, soit la somme de 538,20 €, déconnectée des frais de destruction de termites.
Cette décision, contraire à la décision de chambre mixte du 8 juillet 2015[5], et à la jurisprudence de la troisième chambre civile[6], encourait la censure sur le fondement de l’article L271-4 du CCH :
« Qu’en statuant ainsi, alors que le coût des réparations nécessitées par la présence de termites non signalés par la société CDIG dans l’attestation destinée à informer les acquéreurs sur la présence des parasites constituait un préjudice certain, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
La Cour renvoi donc l’affaire devant la Cour d’appel de BORDEAUX, avec « mission » de reconsidérer les demandes complémentaires de dommages et intérêts des acquéreurs.
Cette position de la troisième chambre civile est salutaire. Pour reprendre Monsieur Laurent LEVENEUR, professeur agrégé à l’Université de PARIS II PANTHEON-ASSAS, dans son commentaire de la décision de chambre mixte du 8 juillet 2015[7],
« (…) lorsqu’un diagnostiqueur a réalisé un diagnostic technique erroné et que des travaux sont nécessaires pour remédier aux vices qu’il n’a pas su découvrir alors qu’il l’aurait dû, sa responsabilité est engagée à l’égard de l’acquéreur à hauteur du coût de ces travaux. Inutile de résister, de tergiverser, et d’encombrer la justice afin de faire apprécier par le juge la valeur d’une chance perdue : le coût de ces travaux constituant un préjudice matériel certain, il est intégralement réparable. La solution a l’avantage de la simplicité et le mérite de la sécurité pour l’acquéreur qui peut faire confiance a priori à l’information qui lui est donnée !
Elle a en outre une vertu prophylactique : celle de constituer une puissante incitation, pour ces nouveaux professionnels que sont les diagnostiqueurs techniques, à réaliser les diagnostics voulus par le législateur avec compétence et le plus grand soin possible, sans quoi les primes d’assurance (obligatoire : CCH, art. L. 271-6) de responsabilité civile vont s’envoler… »
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Article L271-6 du code de la construction et de l’habitation
[2] L’article L 271-4 II du CCH
[3] Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 octobre 2006, n°05-13.255
[4]cf site du ministère de l’environnement Départements couverts par un arrêté préfectoral délimitant les zones infestées par les termites au 10 mars 2015
[5] Cass Ch Mixte, 8 juillet 2015, n°13-26686
[6] 3ème civ, 12 septembre 2012, n°11-18.122 ; cf également 3ème civ, 21 mai 2014, n°13-14.891, Publié au bulletin (amiante)
[7] Cf Contrats Concurrence Consommation n° 11, Novembre 2015, comm. 253