Le silence de l’administration vaut désormais acceptation

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

  

SOURCE : LOI n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens

 

Pour rappel, la théorie de la décision implicite de rejet avait été instituée avec la loi du 17 juillet 1900, dont la finalité résidait dans la création d’un véritable droit d’accès au juge, alors saisi de la question de légalité d’une décision de rejet.

 

Il s’agissait en effet de permettre à l’administré de contester devant le juge une décision réputée être de rejet, en l’absence de réponse opposée par l’Administration.

 

Désormais, le passage du régime de la décision implicite de rejet à celui d’une décision implicite d’acceptation opère le passage d’un droit d’accès au juge à la création d’un droit à la décision au profit de l’usager.

 

En pratique, cette réforme conduit à contraindre l’Administration à instruire les demandes qui lui sont présentées, au risque de voir accordés les droits sollicités par l’administré, alors même qu’elle n’aurait pas entendu les accorder à l’issue d’un examen de la demande.

 

Cette réforme présente ainsi les avantages d’une plus grande vigilance et célérité par l’Administration dans le traitement des demandes des administrés, étant précisé que la loi du 12 novembre 2013 entre en vigueur :

 

– le 12 novembre 2014, pour les demandes relevant de la compétence de l’Etat et des établissements publics et ; 

 

– à partir de novembre 2015, pour les réclamations adressées aux collectivités locales, aux organismes de sécurité sociale et aux organismes chargés d’une mission de service public.

 

Si le nouveau principe peut s’annoncer de prime abord d’application simple et séduisante, il s’avère qu’en réalité son application est susceptible d’être source de complexité et de difficultés.

 

En effet, l’article 1er de la loi du 12 novembre 2013 venant modifier l’article 21 de la loi du 12 avril 2000 dispose que :

 

« Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.

 

La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise»

 

Or bien qu’étant accessible sur Internet, cette dernière liste peut déconcerter plus d’un administré, de par son ampleur, avec près de 1200 procédures listées relevant du principe.

 

Ceci sans compter d’une part, les nombreuses dérogations à la règle prévues par le même article, lequel dispose après l’énoncé de la règle :

 

« Le premier alinéa n’est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :

 

« 1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;

 

« 2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;

 

« 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;

 

« 4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’Etat, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ;

 

« 5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents ».

 

Et ce sans compter d’autre part, les « décrets en Conseil d’Etat et en conseil des ministres » qui peuvent pour certaines décisions, « écarter l’application du premier alinéa du I eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration ».

 

Ces derniers décrets peuvent « fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie ».

 

Ainsi, le droit à la décision d’implicite d’acceptation n’existe qu’à la double condition que la demande de l’usager :

 

– d’une part, s’inscrive dans le cadre d’une des 1.200 procédures mentionnées sur la liste précitée ;

 

– d’autre part, ne soit pas visée par les exceptions prévues par la loi ou les dérogations susceptibles d’être prévues par les décrets.

 

Par ailleurs, il ne doit pas être occulté que l’institution du nouveau principe n’emporte aucune incidence quant au régime du retrait de la décision implicite d’acceptation fixé par l’article 23 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 aux termes duquel une décision implicite d’acceptation peut être retirée dans un délai de deux mois 

 

Autrement dit, l’acquisition d’une décision implicite d’acceptation à l’issue du délai de 2 mois ne garantira aucune stabilisation des droits de l’administré, lequel pourrait très bien se voir retirer la décision d’acceptation, dans le délai de 2 mois courant à compter de l’acquisition de cette dernière décision, à l’instar de ce qui prévalait antérieurement à la réforme.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats

 

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