SOURCE : Cass Soc., 19 novembre 2014, Arrêt n°2062 FS- D (n° 13-22.686).
Un salarié avait été recruté par contrat à durée indéterminée du 1er juillet 2005 en qualité de Directeur des opérations d’une société au sein de laquelle il fut ensuite désigné comme Directeur Général Adjoint à partir du 1er janvier 2007, tout en conservant ses fonctions salariées de Directeur des opérations.
Sa rémunération était composée d’une partie fixe et d’une partie variable, calculée sur la base de 60 % de la rémunération annuelle brute et déterminée en fonction de la réalisation d’objectifs annuels fixés d’un commun accord.
La partie variable de sa rémunération ne lui ayant pas été versée, le salarié, constatant en outre que la société avait nommé en ses lieu et place un nouveau Directeur des opérations, le salarié a saisi le Conseil des Prud’hommes le 03 juillet 2008 aux fins notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, outre le paiement de diverses sommes liées à la qualification de la rupture.
Ensuite de cette saisine, l’employeur licenciait le salarié pour faute lourde le 03 octobre 2008.
Les Juges du fond ont accueilli la demande du salarié et prononcé la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, de sorte que celui-ci a été condamné à indemniser le salarié.
Toutefois, les Juges du fond ont rejeté la demande du salarié sollicitant la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages et intérêts pour compenser la perte de chance de bénéficier des bons de créateur d’entreprise (BCE) qui lui avaient été attribués par une délibération du Conseil d’Administration de la société le 12 octobre 2006.
En effet, cette délibération lui avait octroyé 5000 bons, chacun lui donnant droit de souscrire au-delà de deux ans d’ancienneté et dans un délai de 5 ans à compter de la délibération à une action nouvelle de la société, seuls la démission ou le licenciement faisant perdre au salarié le bénéfice de ces bons.
Pour rejeter cette demande, les Juges du fond et notamment la Cour d’Appel de VERSAILLES, dans un Arrêt du 13 juin 2013, vont considérer qu’au moment de la rupture le salarié n’avait toujours pas exercé la faculté dont il bénéficiait depuis deux ans, que l’exercice de cette faculté impliquait qu’il débourse d’abord le prix des actions que chaque bon attribué lui donnait droit de souscrire avant de pouvoir espérer en tirer profit par la perception de dividendes ou de la revente de ces actions, et qu’en outre, il n’avait fourni aucun élément permettant d’apprécier l’évolution du cours des actions de la société et de leur rentabilité, de sorte que la perte de chance prétendument subie par le salarié n’était pas suffisamment démontrée.
Ensuite de cette décision, le salarié se pourvoit en Cassation.
Bien lui en prit, puisque la Haute Cour va accueillir l’argumentation du salarié.
Relevant au contraire que le salarié aurait disposé d’un délai plus long pour lever les options si son contrat de travail s’était poursuivi, de sorte qu’il a été privé de la possibilité d’exercer son droit à de meilleures conditions et par là d’une chance de gain, et que la Cour qui disposait de ces éléments aurait dû mesurer la réparation à la chance perdue, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé les articles L.1235-3 du Code du Travail et L.1134 et 1147 du Code Civil.
Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’Appel, mais seulement en ce qu’il avait débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour perte des options de souscription d’action.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats