SOURCE : Conseil d’Etat, 30 décembre 2013, req. n°355556, publié au recueil Lebon.
Aux termes des dispositions de l’article L.300-4 du code de l’urbanisme, l’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d’aménagement à toute personne y ayant vocation.
Par ailleurs, la personne publique concédante peut charger le concessionnaire d’acquérir les biens nécessaires à la réalisation de l’opération, y compris, le cas échéant, par la voie d’expropriation ou de préemption.
En pareille hypothèse, le Conseil d’Etat a confirmé, dans un arrêt du 30 décembre 2013, que l’acte par lequel le concessionnaire demandait l’expropriation d’un immeuble pour cause d’utilité publique constituait un acte administratif, dont seul le juge administratif avait à connaître.
En l’espèce, la société immobilière d’économie mixte de la ville de Paris (SIEMP) avait été chargée par la Ville de Paris d’une mission de service public d’éradication de l’habitat insalubre et avait reçu par la Ville délégation de ses pouvoirs en matière d’expropriation pour l’exercice de cette mission.
Par délibération de son conseil d’administration, la SIEMP avait demandé au préfet de Paris l’ouverture d’une procédure de déclaration d’utilité publique en vue d’obtenir à son profit, l’expropriation d’un immeuble, ensuite de quoi deux arrêtés préfectoraux portant déclaration d’utilité publique et cessibilité avaient été pris.
A la demande de la société Cofinfo, la cour administrative d’appel de Paris a annulé ces deux derniers arrêtés préfectoraux, dès lors que ceux-ci avaient été pris à la suite d’une délibération de la SIEMP entachée d’illégalité.
En effet, selon la cour, la SIEMP était intervenue en l’occurrence pour d’autres fins que celles définies par la convention publique d’aménagement conclue avec la Ville de Paris, à savoir précisément le « traitement de secteurs dominés par l’insalubrité et d’immeubles dont l’état de dégradation et d’insalubrité a justifié une intervention de la puissance publique ».
Saisi d’un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel par la SIEMP et la Ville de Paris, le Conseil d’Etat a rejoint la position des juges d’appel, considérant que la délibération avait été effectivement prise pour un motif erroné dans la mesure où l’immeuble ne pouvait être regardé comme insalubre.
En outre, et surtout, le litige a été l’occasion pour le Conseil d’Etat :
– d’une part, d’énoncer au sein d’un considérant de principe que l’acte, par lequel une personne privée chargée d’une mission de service public et ayant reçu délégation à cette fin en matière d’expropriation, demande au préfet l’expropriation d’un immeuble pour cause d’utilité publique, traduit l’usage de prérogatives de puissance publique et constitue un acte administratif, de sorte que seul le juge administratif a en examiner la légalité ;
– d’autre part, de rappeler que la délibération par laquelle l’expropriant demande au préfet l’expropriation d’un immeuble pour cause d’utilité publique constitue un acte préparatoire aux arrêtés portant déclaration d’utilité publique et cessibilité.
En sorte que si la délibération ne peut faire l’objet d’un recours direct en annulation en tant qu’elle constitue un acte préparatoire, son illégalité peut en revanche être utilement excipée à l’appui d’un recours contre les arrêtés subséquents portant déclaration d’utilité publique et cessibilité.
C’est donc à bon droit que la cour a jugé que les deux arrêtés préfectoraux étaient entachés d’illégalité du seul fait de l’illégalité de la délibération par laquelle la SIEMP avait demandé l’ouverture d’une procédure de déclaration d’utilité publique.
Aussi, la cour n’avait pas à rechercher si l’opération envisagée présentait un caractère d’utilité publique pour considérer comme illégal l’arrêté portant déclaration d’utilité publique.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats