Petits meurtres entre associés de SAS…

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

  

SOURCE : CA PARIS, pôle 5 Chambre 8, 17 septembre 2013, n° 12/12567.

 

Une société de gestion de portefeuille financière ayant souhaité élargir ses activités au domaine du conseil en gestion de patrimoine, s’est rapproché de 4 personnes physiques disposant d’une forte expérience dans ce domaine, ceci dans la perspective de la création d’une société dédiée à cette activité.

 

Après des pourparlers d’environ une année, une société était créée dans laquelle la personne morale avait une participation de 67 %, les 33 % restant revenant aux personnes physiques dénommées associés fondateurs.

 

L’un de ces associés fondateurs était d’ailleurs désigné en qualité de président de cette nouvelle société pour une durée de 6 ans.

 

Afin de matérialiser leurs accords, les futurs associés avaient, préalablement à la signature des statuts, signé un protocole d’accord, ainsi qu’un pacte d’associés.

 

L’activité de la société a démarré en début d’année 2006 et si les prévisions de collecte de capitaux avaient très largement dépassé les prévisions financières de la première année, le résultat dégagé par la société se révélait néanmoins très fortement négatif en 2006, ainsi qu’en 2007.

 

Cette absence de rentabilité résultait essentiellement des charges de personnel, et notamment de la part variable de la rémunération consentie aux associés fondateurs personnes physiques qui représentaient plus de la moitié du chiffre d’affaires.

 

Cette situation a conduit les associés à, dès le mois de février 2007, envisager de réviser l’accord initialement conclu afin de favoriser un retour à l’équilibre de la société.

 

Pour autant, face aux exigences des associés fondateurs, aucun accord n’était ratifié.

 

Dans le même temps, les comptes de la société laissaient apparaître des fonds propres inférieurs à la moitié du capital social, de sorte que l’associée majoritaire était tenue de réaliser des apports en compte courant, notamment afin de pourvoir aux besoins de la trésorerie.

 

En début d’année 2008, les divergences entre associés vont persister et même se renforcer lorsque le président refusera de valider les comptes de la société au motif qu’il n’avait pas obtenu de justificatifs de la part de l’associé majoritaire sur deux opérations comptables en sa faveur qu’il contestait, refus réitéré en dépit de l’approbation des comptes par le Commissaire aux comptes.

 

C’est ainsi qu’une Assemblée Générale Extraordinaire était convoquée le 19 avril 2008 par l’associé majoritaire pour le 28 avril suivant avec pour ordre du jour la révocation du président, révocation qui fut décidée à cette date avec effet immédiat.

 

La société, après avoir adressé aux associés fondateurs diverses propositions de révision de leur rémunération, qui furent toutes rejetées par les intéressés, les licenciera pour motif économique en mai et juin 2008.

 

Les associés fondateurs furent ensuite exclus du capital de la société par délibération d’une Assemblée Générale Extraordinaire du 13 janvier 2009 et leurs actions rachetées au prix d’un euro symbolique.

 

C’est ainsi que les associés fondateurs, personnes physiques, ont fait assigner la société par-devant le Tribunal de Commerce de PARIS en invoquant au visa des articles 1134 et 1147 du Code Civil les violations des accords de partenariat conclus entre les associés.

 

Ayant été déboutés par un Jugement du 07 juin 2012, les associés fondateurs ont fait appel de cette décision au motif, pour l’essentiel, que les parties étaient convenues par leurs accords conclus en décembre 2005 d’un partenariat de longue durée, à savoir d’au moins 6 ans par lequel les associés fondateurs, spécialistes de la gestion de patrimoine, devaient apporter leur savoir-faire et leur expertise à la société. Cependant, ils prétendent qu’une fois le succès assuré de la collecte de fonds, l’associé majoritaire n’avait eu de cesse de les évincer du capital de la société et avait, pour ce faire, tout d’abord révoqué le président de ses fonctions, puis fait licencier les associés fondateurs par le nouveau président, avant d’exclure l’ensemble des associés fondateurs du capital au motif de leur licenciement.

 

Ils estiment que chacune de ces décisions constitue une violation des accords de partenariat conclus entre eux, engageant la responsabilité contractuelle de l’associé majoritaire.

 

Mais la Cour d’Appel de PARIS, dans l’Arrêt précité du 17 septembre 2013, ne suivra pas les associés fondateurs dans leur argumentation.

 

Au principal, sur la révocation du président, la Cour d’Appel relève que les trois motifs de révocation ont été énoncés lors de l’Assemblée Générale du 28 avril 2008.

 

A cet égard, le refus persistant et réitéré du président de faire approuver les comptes était fautif et de nature à lui seul à caractériser le juste motif de révocation, son refus ne constituant en réalité qu’un prétexte destiné à contraindre l’actionnaire majoritaire à lui assurer, ainsi qu’aux autres associés fondateurs, les conditions d’un retrait favorable.

 

Par ailleurs, la Cour décide également que le motif de révocation tiré de la divergence d’appréciation sur l’évolution de l’entreprise était tout aussi justifié, celle-ci étant caractérisée par le fait que les négociations sur la révision sur l’économie générale des accords de partenariats n’ont pas pu aboutir, ce qui était de nature à compromettre le fonctionnement de la société.

 

Enfin, le président révoqué imputant également à l’actionnaire majoritaire le caractère vexatoire de sa révocation, la Cour, tout en précisant que la révocation d’un mandataire social n’est abusive que si elle est accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions portant atteinte à sa réputation ou son honneur, ou si encore elle a été décidée brutalement sans respect de l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation, et relevant que la longueur et la précision des explications du président lors de l’Assemblée Générale ayant statué sur sa révocation, établissent que celui-ci avait été parfaitement en mesure de se défendre des griefs qui lui étaient faits avant que le vote n’intervienne.

 

En conclusion, la Cour d’Appel relève que le fait, les motifs et les circonstances de la révocation du président de la SAS ne caractérisent aucun manquement contractuel de l’actionnaire majoritaire aux engagements pris dans le protocole d’accord et le pacte d’actionnaire et confirme en tous points le Jugement déféré.

 

Enfin, relevant également que les 4 associés fondateurs ayant été exclus du capital de la société par une Assemblée Générale Extraordinaire du 13 janvier 2009 au motif principal de leur licenciement qui était une cause d’exclusion prévue par les statuts, la Cour d’Appel relève que, là encore, aucun manquement contractuel aux accords pris entre associés n’était établi à l’encontre de l’actionnaire principal, de sorte qu’également sur ce point, elle déboute les appelants de leurs demandes.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

 

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