Contrat d’assurance-vie et libéralité : la limite est dans l’excès…

Sylvie LHERMIE
Sylvie LHERMIE

 

 

Source : 2ème civ, 24 octobre 2013, n°12-29.372

 

En janvier 2008, Monsieur P. souscrit un contrat d’assurance-vie dans lequel il désigne comme bénéficiaire Madame C.

 

Il décède en janvier 2010, en laissant deux enfants. Ces derniers n’entendent pas accepter de telles dispositions successorales, d’autant que leur père a légué à Madame C. la quotité disponible.

 

Ils assignent Madame C. et l’assureur afin de voir réduire à la quotité disponible le capital versé, sur le fondement de l’article L 132-13 du Code des assurances : « Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

 

Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés. ».

 

La Cour de cassation va rejeter le pourvoi des enfants : les primes versées par Monsieur P. n’avaient aucun caractère excessif au regard de ses facultés financières.

 

La Cour s’est basée sur le solde du contrat d’assurance-vie qui représentait environ 55.000 euros sur 125.000 euros initialement versés, en raison de rachats partiels pour un montant de 70.000 euros.

 

La juridiction suprême a une perception particulière des facultés du souscripteur : ces dernières se limitent au montant des sommes investies dans le contrat.

 

Telle n’avait pas été la position de la Cour d’appel de PARIS qui, dans un arrêt du 19 février 2002[1] avait décidé que la prime unique versée lors de la souscription du contrat d’assurance-vie (9/10èmes du patrimoine du souscripteur) était manifestement exagérée eu égard aux facultés financières du souscripteur, même si une faculté de rachat était prévue.

 

En réalité, l’objectif du législateur est de protéger les héritiers des libéralités excessives de leur auteur.

 

Les primes peuvent être manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur alors que :

 

 

cet auteur exerce sa faculté de rachat sur les contrats ; 

 

la réserve héréditaire n’est pas entamée.

 

 

Ce sont bien les héritiers qui vont peut-être profiter de cette épargne « excessive » réalisée par le souscripteur, en cas de rachat en cours de contrat, et donc on peut comprendre le choix fait par la Cour de cassation de tenir compte du montant du capital effectivement versé au bénéficiaire…L’esprit de la loi est respecté, n’est-ce pas l’essentiel ?

 

 

 
Sylvie LHERMIE
Vivaldi-Avocats


[1] Cour d’appel de PARIS chambre 2 sections A 19 février 2002 n° 2000/16919

 

 

 

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