La situation locative issue du maintient dans les lieux du preneur à bail dérogatoire est un nouveau bail.

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 28 novembre 2012, n°11-14671, Inédit

 

En l’espèce, des personnes physiques se sont porté cautions solidaires du paiement des loyers d’un bail dérogatoire, au titre des dispositions de l’article L145-5 du Code de commerce. Les actes de cautionnement stipulaient « Je me porte caution solidaire et conjointe soit jusqu’au 31 juillet 2005 [date d’expiration du bail dérogatoire] et à son renouvellement éventuel, du paiement des loyers (…)».

 

A l’expiration du bail, le preneur est demeuré dans les lieux, sans toutefois s’acquitter de la totalité du montant des loyers du bail dérogatoire, ni des loyers postérieurs. Le bailleur a donc mis en demeure le preneur et les cautions de s’acquitter de ces montants, puis les a assignés.

 

La Cour d’appel de Paris a condamné les cautions au règlement des échéances des loyers du bail dérogatoire laissées en souffrance, mais a débouté le bailleur de sa demande de règlement des loyers postérieurs, considérant, à l’analyse des conventions, que les cautionnements avaient étaient consentis uniquement sur la durée du bail dérogatoire, dès lors que la situation locative succédant au bail dérogatoire est un « nouveau bail ».

 

Le bailleur, qui considérait que le maintient du preneur dans les lieux avait renouvelé le bail dérogatoire, se pourvoi en cassation.

 

La 3ème chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi, sans toutefois approuver fermement la position de la Cour d’appel. Pour les Hauts juges, « la Cour d’appel, par une interprétation de cet acte exclusive de dénaturation, a pu en déduire que cet engagement ne pouvait être étendu au nouveau bail issu du maintien dans les lieux des locataires à l’expiration du bail dérogatoire ». En d’autres termes, au regard de la motivation de cet arrêt (le terme « a pu ») et de sa publication restreinte, la Cour de cassation s’en remet intégralement à l’analyse des juges du fond : la solution inverse aurait, semble-t-il, été tout autant acceptée par la Haute juridiction.

 

La Cour de cassation aurait pu toutefois prendre position sur le qualificatif « renouvellement » du bail dérogatoire, d’autant que la convention des parties le permettait dès lors que le cautionnement portait sur une durée de 24 mois, augmentée d’un renouvellement éventuel,  qui ne peut légalement correspondre qu’à un maintien dans les lieux du locataire. De plus, l’explication de la position des juges du fond ne saurait être trouvée dans l’analyse de l’article L145-5 alinéa 2 du Code de commerce,

 

« Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions du présent chapitre » ;

 

dès lors que, juridiquement, comme le soutenait le bailleur, le bail commercial renouvelé par l’effet d’un congé ou d’une demande de renouvellement est toujours un nouveau bail[1]. Ainsi, à l’analyse de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dans ce litige, le cautionnement prendrait automatiquement fin, quelle que soit la convention des parties, par l’effet du congé ou de la demande de renouvellement.

 

Une position ferme de la Haute Juridiction est donc souhaitable.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1] Ass Plen., 7 mai 2004, n°02-13225

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