Un établissement d’enseignement secondaire allemand avait demandé à ses élèves de réaliser un exposé dans le cadre d’un atelier linguistique. Les élèves avaient utilisé à titre d’illustration une photographie téléchargée sur un site Internet consacré aux voyages, sans qu’aucune mesure de restriction ne soit prévue pour empêcher son téléchargement. L’exposé, en ce compris les photographies rattachées, avait ensuite été rendu disponible depuis le site Internet de l’établissement.
Le photographe ayant pris connaissance de cette utilisation de son œuvre, a saisi la juridiction compétente de son pays pour faire interdire la reproduction ou la mise à disposition au public sans son autorisation de son œuvre.
Si la protection par le droit d’auteur de la photographie litigieuse n’a fait l’objet d’aucun débat, la juridiction allemande a décidé de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« L’insertion sur un site Internet accessible au public, d’une œuvre librement disponible pour l’ensemble des internautes sur un autre site Internet avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur constitue-t-elle une mise à disposition du public, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29, lorsque l’œuvre a d’abord été copiée sur un serveur puis, de là, téléchargée, sur le site Internet ? ».
Cette question s’avère particulièrement d’actualité à l’ère du numérique, dès lors que de nombreux éditeurs de blogs, de pages professionnelles sur les réseaux sociaux et de sites Internet de vente en ligne réutilisent quotidiennement à titre d’illustration, sans solliciter d’autorisation préalable, des images glanées sur d’autres sites Internet, les pensant libres de droit.
L’article 3 de la directive 2001/29 régit les droits d’exploitation en ligne des œuvres comme suit :
« 1. les Etats membres prévoient pour les auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment choisit individuellement. (…)
3. Les droits visés aux paragraphes 1 et 2 ne sont pas épuisés par un acte de communication au public, ou de mise à disposition du public, au sens du présent article ».
En l’occurrence, la mise en ligne, sur un site Internet, d’une photographie préalablement publiée sur un autre site Internet, après qu’elle ait été préalablement copiée sur un serveur privé, doit être qualifiée de « mise à disposition » et, par conséquent, d’ « acte de communication », au sens de l’article susvisé.
La CJUE considère que la mise en ligne d’une œuvre protégée par le droit d’auteur sur un site Internet autre que celui sur lequel a été effectuée la communication initiale avec l’autorisation du titulaire du droit d’auteur doit être qualifiée de mise à disposition d’un public nouveau d’une telle œuvre, étant sans incidence le fait que le titulaire n’ait pas restreint les possibilités d’utilisation de la photographie par les internautes.
Plusieurs arguments ont permis à la CJUE d’aboutir à cette conclusion :
– Le public pris en compte par le titulaire du droit d’auteur lorsqu’il a autorisé la communication de son œuvre sur le site Internet sur lequel celle-ci a été initialement publiée est constitué des seuls utilisateurs dudit site, et non des utilisateurs du site Internet sur lequel l’œuvre a ultérieurement été mise en ligne sans l’autorisation dudit titulaire ;
– Considérer que la mise en ligne sur un site Internet d’une œuvre préalablement communiquée sur un autre site Internet avec l’autorisation du titulaire des droits d’auteur ne constitue pas une mise à la disposition d’un public nouveau de cette œuvre reviendrait à consacrer une règle d’épuisement du droit de communication, contraire aux principes de la directive ;
– Le droit d’auteur vise à permettre au titulaire d’exiger une rémunération appropriée pour chaque utilisation de son œuvre ;
– Suite à la nouvelle mise à disposition de l’œuvre sur un autre site Internet, le titulaire n’est plus en mesure d’exercer son pouvoir de contrôle sur la communication initiale de ladite œuvre.
Il reste cependant une façon détournée d’exploiter sans autorisation une œuvre rendue accessible sur un site Internet par l’utilisation de liens hypertextes cliquables renvoyant au site Internet initial. En effet, la CJUE considère, dans de telles circonstances, que la mise à disposition de l’œuvre ne conduit pas à communiquer les œuvres en question à un public nouveau (CJUE, 13 février 2014, C-466/12, aff. Svensson e.a.).
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats