SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 4 juillet 2018, n° 17-18.241 (FS-P+B)
Par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2007, un salarié a été engagé en qualité d’acheteur expert bâtiment par un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) pour exercer ses fonctions au sein du groupe Maintenance Bâtiment du Pôle Travaux, ayant au préalable travaillé pour ce Pôle en qualité d’intérimaire de septembre 2006 à février 2007.
A la suite d’un différend, les 4 et 5 février 2013, le salarié et sa supérieure hiérarchique ont saisi la Direction éthique de l’employeur qui a rendu son rapport le 18 septembre 2013.
Au vu de ce rapport, l’employeur a notifié au salarié une mesure de suspension, l’a convoqué devant le Conseil de discipline, et a parallèlement initié une procédure de licenciement.
Le licenciement pour cause réelle et sérieuse va être notifié au salarié en date du 25 novembre 2013, l’employeur lui reprochant des allégations de discrimination non fondées, des propos et un comportement insultant à l’égard de sa responsable, des propos injurieux, des menaces et des agressions physiques à l’encontre de ses collègues, des propos à connotation raciste à l’encontre d’un collègue de confession musulmane, et enfin des propos à connotation sexuelle de manière récurrente et des attitudes déplacées à l’égard du personnel féminin.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes de NANTES pour obtenir le paiement de diverses sommes.
Débouté par les premiers Juges, le salarié va interjeter appel de la décision, et c’est ainsi que cette affaire arrive par devant la Cour d’Appel de RENNES, laquelle dans un arrêt du 17 mars 2017, confirme la décision des premiers Juges, estimant que les propos et l’attitude du salarié ne sont pas admissibles dans un cadre professionnel en ce qu’ils ne sont pas respectueux des convictions de ses collègues, ni de leur intégrité physique.
En conséquence, la Cour considère que la mesure de licenciement prise à l’égard du salarié était justifiée et proportionnée.
En suite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en cassation.
Bien lui en prit, puisqu’au visa de l’article 6, § 1 et 3 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, énonçant que le Juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, la Chambre Sociale considère que la Cour d’Appel ayant estimé que la procédure de licenciement était régulière et le licenciement justifié, après avoir retenu que l’atteinte au droit de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la Direction de l’éthique n’est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d’en prendre connaissance, et de présenter ses observations, s’est fondée de manière déterminante sur le rapport de la Direction de l’éthique pour prendre sa décision, de sorte qu’en statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.
En conséquence, la Chambre Sociale casse et annule l’arrêt d’appel, seulement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Même si l’attendu de la Chambre Sociale ne vise que la décision des Juges, il faut en déduire que lorsque le licenciement est fondé sur un rapport d’enquête qu’elle ait été diligentée directement par l’employeur, par une Commission d’enquête ou par une Commission d’éthique, celui-ci ne peut fonder sa décision de manière exclusive et déterminante sur des témoignages anonymes, ce qui serait contraire aux principes des droits de la défense, droit fondamental dont bénéficie le salarié mis en cause.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats