Sociétés commerciales et clauses abusives

Diane PICANDET
Diane PICANDET - Avocat

 

 

SOURCE : Cass. Com. 3 décembre 2013 n°12-26.416 Sté Wolseley France Bois et matériaux c/ Sté Europ Télésécurité

 

Par cette décision, la Chambre commerciale aligne sa position sur celle de la Première Chambre civile : une société commerciale ne peut revendiquer le bénéfice de la législation sur les clauses abusives prévue par le Code de la consommation.

 

L’article L.132-1 du Code de la consommation réglemente les clauses abusives des « contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs ».

 

La directive n° 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 définit le consommateur comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle » et le professionnel  comme « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle, qu’elle soit publique ou privée ».

 

Le droit communautaire ne connait pas la notion française de « non-professionnel » visé à l’article L.132-1 et considère que le droit de la consommation n’a vocation qu’à protéger le consommateur, qui est nécessairement une personne physique (CJCE 22 novembre 2001).

 

Si la définition du consommateur soit toute personne physique agissant à des fins privées ne fait plus de doute en droit communautaire comme en droit interne, la recherche de définition du non-professionnel a conduit les juridictions hexagonales à ouvrir le champ d’application de L.132-1 aux personnes morales.

 

Dans un premier temps, les juridictions ont usagé du critère de l’incompétence ou de l’ignorance du non-professionnel.

 

Puis la Cour de cassation a considéré que le non-professionnel était la personne qui conclut un contrat de fourniture de biens ou de services n’ayant pas de rapport direct avec l’activité professionnelle qu’elle exerce (Cass. 1e civ. 2 janvier 1995), peu importe qu’il s’agisse de personnes de la même spécialité.

 

La Première Chambre dans un arrêt du 15 mars 2005 a indiqué que la notion de consommateur, telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement des personnes physiques”, la notion distincte de non-professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives“.

 

Enfin, dans une décision du 11 décembre 2008, la Première Chambre a affirmé dans un arrêt de principe que « les dispositions de l’article 132-1 du Code de la consommation « selon lesquelles sont réputées non écrites, parce qu’abusives, certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales».

 

Dans l’arrêt commenté, la Chambre commerciale de la Cour de Cassation a adopté un dispositif identique à celui de la Première Chambre.

 

En l’espèce, une société revendiquait l’application de législation du Code de la Consommation sur les clauses abusives pour contester une clause qui excluait de toute obligation de résultat de son partenaire dans la réalisation de sa prestation en arguant que « seuls les contrats conclus entre professionnels de même spécialité » étaient exclus du champ de L.132-1.

 

La Chambre commerciale confirme l’arrêt rendu par un dispositif clair : « les dispositions de l’article L.132-1 du Code de la consommation ne s’appliquent pas aux contrats de fourniture de biens de services conclus entre sociétés commerciales. »

 

On peut dès lors affirmer que si le « consommateur » visé par l’article L.132-1 du Code de la Consommation est nécessairement une personne physique, le « non-professionnel » ne peut en aucun cas être une société commerciale.

 

Le fait que la Chambre commerciale affirme ce principe est salutaire alors que l’on observe certaines décisions qui tendent à étendre le champ d’application du droit de la consommation aux sociétés commerciales dont les litiges doivent être exclusivement tranchés au regard aux règles édictées par le Code de Commerce.

 

Diane PICANDET

Vivaldi-Avocats

 

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