Salariés de PME-TPE : voulez-vous prendre la direction de votre entreprise ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : Loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (articles 18, 19 et 20)

 

En réponse à la crise qui plombe l’économie française depuis plusieurs années, le législateur a entrepris de favoriser un mode économique alternatif d’entreprise, l’économie sociale et solidaire, fondé notamment sur une hausse de la participation des salariés dans la gouvernance d’entreprise.

 

Afin d’encourager la reprise de sociétés par les salariés, le législateur a créé un droit d’information préalable pour les salariés désirant se porter acquéreur de leur entreprise en cas de cession, et de leur octroyer un temps raisonnable à la formulation d’une offre, en insérant au sein du code de commerce, les articles L141-23 à L141-32 du Code de commerce et, pour englober également dans la réforme la cession de parts sociales ou d’actions, représentant 50% du capital social, les articles L23-10-1 à L23-10-12 (Livre II Titre III chapitre X) du même code, qui ne seront pas abordés ici, étant les « équivalents » des articles précités, et auquels il est renvoyé.

 

La loi du 31 juillet 2014, en son titre II, distingue les TPE et PME de moins de 50 salariés, des PME de 50 à 249 salariés, afin de tenir compte du droit existant :

 

I – Les entreprises de moins de 50 salariés

 

Obligation d’information des salariés (article L141-23)

 

Pour les entreprises qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise, le propriétaire doit dorénavant notifier aux salariés de l’entreprise, au moins deux mois avant toute cession, son intention de céder le fonds et leur préciser que ces derniers peuvent présenter une offre de rachat.

 

Malgré sa dénomination, la « notification » pourra être réalisée par tout moyen (article L145-25), sauf à rendre certaine la date de sa réception par les salariés. Une remise contre récépissé semble ainsi admise, dès lors que la date est indiquée par le salarié, mais la prudence conduira le propriétaire du fonds à procéder par LRAR.

 

Dans le cas où le propriétaire du fonds n’en assure pas personnellement l’exploitation (location gérance) cette notification est faite à l’exploitant, et le délai de deux mois court à compter de cette notification. Bien que l’exploitant soit tenu de transmettre cette information « sans délai » aux salariés, accompagné de l’information selon laquelle une offre de rachat peut être formulée auprès du cédant, aucune disposition ne sanctionne son inaction, et le propriétaire du fonds n’a, a priori, pas à s’assurer de l’efficacité des démarches de l’exploitant.

 

Le délai de deux mois pourra être abrégé à réception de la décision de chaque salarié de ne pas présenter d’offre. Cette durée de deux mois sera renouvelée en l’absence de cession dans les deux ans de l’information (article L 141-26).

 

Les salariés destinataires de cette information seront naturellement tenus à une obligation de discrétion, dans les mêmes conditions que celles prévues pour les membres des comités d’entreprises (art L2325-5 code du travail). (article L141-25)

 

Sanction au titre du manquement du propriétaire du fonds à l’obligation d’information (article L141-23)

 

L’absence de diligences entraine la nullité de la cession, qui peut être demandé par tout salarié dans les deux mois de la date de publication de l’avis de cession du fonds.

 

Exceptions (Article L141-27)

 

Ne seront pas soumises à cette obligation d’information les cessions :

 

intrafamiliales pour cause de succession et de liquidation du régime matrimonial ;

 

au profit du conjoint, d’un ascendant ou descendant (aucun degré n’est toutefois spécifié) ;

 

dans le cadre d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires

 

II – Les entreprises de 50 à 249 salariés

 

Ces entreprises doivent déjà respecter un délai « suffisant » lié à l’obligation de consulter le comité d’entreprise sur un projet de cession formalisé. En parallèle de la saisine du comité d’entreprise, les salariés devront dorénavant être informés directement de l’intention de cession du propriétaire du fonds.

 

Ce nouveau droit ne modifie pas le code du travail et ne rajoute pas de délai supplémentaire à ceux déjà prévu par le code du travail pour les entreprises de plus de cinquante salariés en matière de notification au comité d’entreprise d’une offre formalisée et par l’Accord national interprofessionnel.

 

Les modalités de délivrance de l’information (L141-28, L141-30 et L141-31), les exceptions (L141-32) et les sanctions (L141-28) sont les mêmes que celles prévues pour les entreprises de moins de 50 salariés.

 

Ce nouveau droit ne semble pas remettre en cause le patrimoine du chef d’entreprise, qui reste libre de vendre au prix qu’il souhaite et demeure libre du choix de son cocontractant : la loi n’institue ni un droit de préférence, ni un droit de préemption, au profit des salariés, mais une obligation d’information préalable complétée, afin de faciliter et encourager l’initiative salariale, par une obligation de formation triennale à la reprise d’une entreprise, prévue par l’article 18 de la loi, dont le contenu et les modalités d’application seront définis par décret…

 

Cette obligation d’information s’appliquera aux cessions conclues au-delà du troisième mois qui suit la publication de la loi au journal officiel, soit au 2 novembre 2014 (article 98 de la loi).

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 

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