Saisie immobilière : une clause de médiation n’empêche pas d’introduire la procédure, lorsqu’elle est facultative

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. civ. 2ème, 22 juin 2017, n°16-11.975 FS-P+B

 

I – Les faits

 

En juin 2010, des emprunteurs personnes physiques contractent un prêt immobilier auprès d’une banque. Le contrat est annexé à l’acte de vente notarié signé en août 2010. Les conditions générales stipulaient en page 5 que :

 

« Dans l’hypothèse où le PRETEUR et l’EMPRUNTEUR ne pourraient parvenir à une solution, un Médiateur, désigné par le PRETEUR, pourra être saisi gratuitement du litige. Ce médiateur, chargé de recommander des solutions, est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Les constatations et les déclarations que le Médiateur recueille ne peuvent être ni produites, ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties »

 

Des impayés s’accumulant, les emprunteurs ont saisi le médiateur de la Fédération Française Bancaire en septembre 2012. En juillet 2013, la banque a fait délivrer un commandement de saisie valant saisie-vente, puis fait assigner les emprunteurs à une audience d’orientation devant le juge de l’exécution.

 

A cette occasion, les emprunteurs ont opposé pour l’essentiel la nullité de la procédure de saisie immobilière, et réclamé sa mainlevée outre des dommages et intérêts pour procédure abusive, au motif que la médiation en cours empêchait la banque d’introduire une procédure de saisie-immobilière. Ni le juge de l’exécution, ni la cour d’appel n’ont suivi cette argumentation. Les emprunteurs ont saisi la Cour de cassation de la question.

 

II – L’arrêt de rejet

 

Les emprunteurs fondent notamment leur argumentation au visa de l’article L.316-1 du Code monétaire et financier. Celui-ci dispose notamment que :

 

« Tout établissement de crédit, société de financement, établissement de monnaie électronique ou de paiement désigne un ou plusieurs médiateurs chargés de recommander des solutions aux litiges avec des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, relatifs aux services fournis et à l’exécution de contrats conclus dans le cadre du présent titre et du titre II du présent livre et relatifs aux produits mentionnés aux Ier et II du livre II. Les médiateurs sont choisis en raison de leur compétence et de leur impartialité. Le médiateur est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Celle-ci suspend la prescription conformément aux conditions de l’article 2238 du code civil. Les constatations et les déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties. Cette procédure de médiation est gratuite »

 

Or, comme le souligne la Cour régulatrice, cette disposition n’impose pas la médiation, qui ne demeure qu’une faculté pour les parties. La suspension de la prescription est indifférente à cet égard. Seule une clause spécifique non équivoque peut donc imposer la médiation préalable. La Haute Cour en tire la conséquence logique que toute mesure conservatoire ou d’exécution peut être entreprise par le créancier, nonobstant toute médiation en cours. Le pourvoi est rejeté.

 

III – Une solution approuvée

 

Depuis la loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), les établissements de crédit doivent offrir à leurs clients la possibilité de saisir un médiateur pour le traitement de leurs litiges. Un certain nombre d’entre eux se sont ainsi dotés de leur propre médiateur. Pour ceux qui n’ont pas procédé de la sorte, la Fédération bancaire française a mis à leur disposition un service de médiation commun. Il ne faut pas la confondre avec la médiation du crédit aux entreprises, qui facilite le dialogue entre les entreprises et les établissements de crédit, et recommande des solutions en cas de difficultés pour l’obtention et le maintien de crédits ou de garanties. L’idée directrice est d’éviter un recours systématique aux tribunaux en cas de différends opposant les banques à leurs clients.

 

S’il est vrai que, par principe, le non-respect d’une clause conventionnelle de médiation ou de conciliation constitue une fin de non-recevoir qui, si elle est invoquée, s’impose au juge[1], cela ne vaut que pour les clauses qui « imposent »[2], et pas celles qui « proposent ».

 

En pratique, le fait que la banque signifie un commandement de payer aux fins de saisie immobilière, alors que la procédure de médiation est déjà initiée, n’est pas de nature à empêcher un règlement amiable du litige, la banque pouvant renoncer à tout moment au bénéfice de sa saisie si l’accord trouvé est conforme aux intérêts respectifs des parties. Dans ces conditions, le débiteur est donc bien incapable de démontrer le moindre préjudice, et donc de solliciter des dommages et intérêts pour procédure abusive. Cette solution a le mérite d’éviter les saisines purement dilatoires des débiteurs.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats


[1] Cass. ch. mixte 14 déc. 2003, n°00-19.423

[2] Cass. civ. 1ère, 1er oct. 2014, n°13-17.920, F-P+B

Partager cet article
Vivaldi Avocats