Saisie conservatoire : Proportionnalité et introduction de l’instance au fond.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.Civ2., 12 avril 2018, F-P+B, n°17-15527

 

I – LA MESURE CONSERVATOIRE.

 

Afin de pouvoir pratiquer une mesure conservatoire, le créancier doit démontrer avoir une créance fondée en son principe, mais surtout que son recouvrement et menacé par des circonstances qu’il devra démontrer dans sa requête.[1]

 

Le Juge de l’exécution recevra la requête et appréciera les deux critères. Il est également à noter à ce stade que le Juge saisi de la requête pourra également être saisi de la contestation du débiteur.

 

Dans son appréciation des critères, le magistrat peut statuer sur le fond du droit.[2]

 

Des saisies conservatoires sont pratiques par des associés ayant conclu un contrat de cession de la totalité de leurs parts pour une créance évaluée à 7.025.000 €, prix évalué de la cession.

 

Les cessionnaires ont contesté la saisie conservatoire en se prévalant de la disproportion de la mesure.

 

Un refus leur sera opposé.

 

II – LA QUESTION DES FORMALITES.

 

II – 1. La proportionnalité de la mesure.

 

A la suite de la mesure conservatoire, il appartient au créancier d’introduire une action au fond dans le mois suivant l’exécution de la mesure[3]

 

Les cessionnaires arguent devant la Cour de cassation que la caducité de la mesure doit être prononcée à raison de la disproportion, la créance revendiquée étant bien inférieure au montant de la mesure conservatoire.

 

La demande sera rejetée au motif que « que la saisie conservatoire rend indisponible les biens qui en sont l’objet sans toutefois en attribuer la propriété au saisissant et que, lorsque le saisissant engage ou poursuit une procédure en vue d’obtenir un titre exécutoire constatant une créance s’élevant à un montant moindre que celui pour lequel il a été autorisé sur requête à pratiquer la saisie, cette mesure peut faire l’objet, à la demande du saisi, d’une mainlevée partielle ou d’une substitution à la mesure initialement prise de toute mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties ; que c’est dès lors sans violer l’article 1er du Premier protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la cour d’appel a débouté la société C…, les sociétés A… et M. X… de leur demande tendant à ce que soient déclarées caduques les saisies conservatoires ; »

 

Autrement dit, le saisi n’étant pas privé de la propriété de son bien, il ne peut se prévaloir d’une atteinte disproportionnée à son droit de propriété.

 

Le débiteur aurait dû solliciter la mainlevée partielle ou une substitution à la mesure initiale de toute autre mesure permettant la sauvegarde des intérêts des parties en présence.

 

II – 2. L’introduction d’une instance au fond.

 

Comme il a été dit ci-avant, une instance au fond doit être introduite. L’assignation délivrée doit avoir pour objet de saisir la juridiction aux fins de statuer sur l’existence et la liquidité de la créance invoquée dans la requête aboutissant à la mesure conservatoire.

 

Tel était ici le cas en l’espèce, « qu’enfin, la cour d’appel ayant retenu que le principe d’une créance indemnitaire causée par la non-réalisation de la cession, même sous conditions suspensives, existait lors de la présentation de la requête et demeurait au jour où elle statuait, que ce principe de créance, dont seule l’apparence était requise, concernait autant la société C… que les personnes physique et morales qui participent à sa gestion, et donc à la prise des décisions, les sixième et septième branches, sous le couvert d’un manque de base légale, ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par la cour d’appel d’une apparence de créance fondée en son principe contre les sociétés A… et M. X… »

 

Il y a donc lieu d’être vigilant, tant pour le créancier que le saisi dans les procédures de saisies conservatoires, d’une part dans la rédaction de l’assignation au fond et d’autre part dans la contestation de la saisie.

 

Jacques-Eric Martinot

Vivaldi Avocats.


[1] Article L511-1 du Code des procédures civiles d’exécution

[2] Civ. 2e, 31 janv. 2013, n° 11-26.992, D. 2013. 373

[3] Article R511-7 du Code des procédures civiles d’exécution

 

 

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