Rupture conventionnelle : faute de l’avoir établie en 2 exemplaires, elle est nulle.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass. Soc.,  06 février 2013, Arrêt n° 214 FS – P + B + R (n° 11-27-000).  

 

Dans cette espèce, un salarié, embauché en qualité de maçon, avait signé le 08 avril 2009 une convention de rupture conventionnelle de son contrat de travail, laquelle fut homologuée le 18 mai 2009.

 

Contestant cette rupture, le salarié saisissait le Conseil des Prud’hommes d’une demande de nullité de ladite convention.

 

Ayant été débouté de l’ensemble de ses demandes, le salarié interjeta appel de cette décision.

 

C’est dans ces circonstances que la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de LYON examina la demande du salarié.

 

Contrairement à la position retenue par le Conseil des Prud’hommes, la Cour d’Appel de LYON par un arrêt du 23 septembre 2011 accueillit la demande du salarié, lequel faisait valoir :

 

– Que la rupture conventionnelle de son contrat de travail lui avait été imposée par son employeur lui faisant croire qu’il s’agissait là d’un licenciement ordinaire, qu’il n’avait pas été convoqué au seul entretien préalable qui avait eu lieu le 03 avril 2009, de sorte que l’information qu’il pouvait se faire assister lors de cette entretien ne lui avait pas été communiquée,

 

– Que le montant de l’indemnité spécifique de rupture était inférieur à l’indemnité légale de licenciement,

 

– Que le double de la convention de rupture qu’il avait signé le 08 avril 2009 ne lui avait pas été remis, de sorte qu’il avait été dans l’impossibilité de contester cette rupture pendant le délai de réflexion de 15 jours avant transmission de la convention à l’administration.

 

La Cour d’Appel de LYON, dans l’Arrêt précité du 23 septembre 2011, pour accueillir les demandes du salarié, retenait que la convention de rupture conventionnelle signée par les parties a pris la forme de la signature du formulaire Cerfa contenant la demande d’homologation.

 

Par suite, la Cour relevait que la seule indication sur le formulaire de rupture de l’absence d’assistance des parties au cours des entretiens au moyen d’une croix apposée sur la case correspondante, ne démontre pas que le salarié avait été informé de la possibilité qu’il avait de se faire assister au cours des entretiens, de sorte que cette absence d’information ne saurait garantir la liberté du consentement du salarié à la signature de la convention de rupture.

 

La Cour d’Appel relevait en outre, et surtout, que la convention de rupture conventionnelle d’un contrat de travail est un acte sous seing privé contenant des obligations synallagmatiques, de sorte qu’elle doit être établie en autant d’exemplaires que chacune des parties ayant un intérêt distinct, ceci conformément aux termes de l’article 1325 du Code Civil. Par suite, la convention aurait dû être établie en deux exemplaires dont un aurait dû être remis au salarié.

 

A cet égard, la Cour relevait encore que les dispositions de l’article 1237-14 du Code du Travail, en stipulant qu’à l’expiration du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative avec un exemplaire de la convention de rupture, supposent implicitement que la convention doit être établie en double exemplaire, sans quoi l’une des parties serait privée du droit d’exercer son droit de demander l’homologation.

 

Par suite, la Cour d’Appel en avait déduit qu’à défaut d’avoir été en possession d’un exemplaire de la convention, il ne pouvait être vérifié que le salarié avait eu une parfaite connaissance des termes de la convention qu’il avait signée et il ne pouvait être présumé qu’il en avait retenu la totalité des dispositions et en particulier qu’il pouvait contacter le service public de l’emploi pour l’aider à prendre une décision en pleine connaissance de cause, ni qu’il disposait d’une faculté de rétractation qu’il devait exercer dans un délai de 15 jours, ce délai expirant le 23 avril 2009, toutes ces informations figurant dans la convention qui ne lui avait pas été remise.

 

La Cour d’Appel relevait en outre que la convention de rupture conventionnelle doit être datée et signée par chaque partie avec la mention manuscrite “lu et approuvé”, ces mentions étant de nature à s’assurer du consentement des parties sur la totalité des dispositions de la convention, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, puisque le salarié n’avait pas daté la convention et n’avait pas fait précéder sa signature de la mention “lu et approuvé”.

 

Enfin, la Cour relevait également que l’indemnité spécifique de rupture mentionnée sur la convention de rupture était inférieure à l’indemnité de licenciement.

 

Par suite et compte tenu de l’ensemble de ces circonstances de fait, la Cour d’Appel en avait déduit que le libre consentement du salarié n’avait pas été garanti et que les conditions de la convention relative à la fixation de l’indemnité spécifique de rupture n’étaient pas remplies.

 

La Cour en concluait que la convention de rupture conventionnelle était donc nulle.

 

Ensuite de cette décision de la Cour d’Appel, l’employeur forme pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur relève que les dispositions du Code du Travail relatives aux modalités de la rupture conventionnelle n’imposent pas à l’employeur d’informer le salarié de la faculté de se faire assister lors de l’entretien préalable à la rupture conventionnelle, il relève ensuite que la remise d’un exemplaire de la convention au salarié ne constitue pas une condition de validité de celle-ci, mais simplement un moyen de preuve, dont la violation ne peut permettre à elle seule la nullité de la convention, tout comme la mention “lu et approuvé” qui n’est imposée par aucun texte.

 

Mais la Haute Juridiction, dans l’Arrêt précité du 06 février 2013, rejette le pourvoi, affirmant que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention dans les conditions prévues par l’article L.1237-14 du Code du Travail et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer postérieurement à la signature de la convention de rupture son droit de rétractation en pleine connaissance de cause.

 

La Cour relève qu’ayant constaté que tel n’était pas le cas, la Cour d’Appel était bien fondée à décider que la convention de rupture était atteinte de nullité.

 

Ensuite de cette position prise par la Cour de Cassation, les entreprises agiront prudemment lors de la signature d’une convention de rupture conventionnelle en l’établissant en 3 exemplaires, l’un destiné au salarié, l’autre à l’entreprise et enfin le troisième à l’administration en vue de la demande d’homologation.

  

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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