SOURCE : Cass com., 1er mars 2017, n°15-20848
Aux termes de l’article L442-6 I – 5° du Code de commerce, « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels »
En l’espèce, un fournisseur de produits de bricolage informe son distributeur le 20 novembre 2008 qu’à compter de la réception de lettre, ce dernier aura l’obligation de s’approvisionner auprès d’une filiale qui aurait l’exclusivité de la distribution des produits. Cette intermédiation engendre pour le distributeur une hausse du coût d’approvisionnement de 30% à 40%.
S’estimant victime d’une rupture des relations commerciales, le distributeur assigne son fournisseur en indemnisation de ses préjudices, constitués d’une perte de marge brute évaluée à 400.000 €, et de la nécessité de se réorganiser, évaluée à 200.000 €.
La Cour d’appel de Paris relève que la relation commerciale entre les parties s’est poursuivie pendant 7 ans, qu’aucun investissement particulier pour la distribution des produits n’a été réalisé par la victime, qui n’était d’ailleurs pas en situation de dépendance économique, commercialisant d’autres produits que ceux du fournisseur.
La Cour en déduit qu’un préavis de 6 mois (7% de la durée) aurait dû être respecté par le fournisseur qui est condamné à réparé le préjudice subi par la victime.
Mais c’est là que le bât blesse : les juges du fond relèvent que le distributeur a reçu, pendant la période de préavis, des livraisons du fournisseur en exécution de commandes antérieures à la rupture. Or, le montant cumulé de ces livraisons excède 1,5 millions d’euros, ce qui représente une marge sur ces ventes de 630.000 € (42% de taux de marge). La marge dépassait donc le préjudice invoqué, conduisant les juges parisiens à débouter la victime de sa demande de dommages et intérêts fondé sur la perte de marge brute.
De même, s’agissant de l’indemnisation de la réorganisation, la Cour rappelle, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation[1], que seul le préjudice lié à la brutalité de la rupture est indemnisé, à l’exclusion de la rupture elle-même. La réorganisation étant inhérente à la rupture, et non sa brutalité, de surcroit indemnisé dans le cadre du préavis, la Cour ne donne aucune suite à sa demande.
Ces positions sont approuvées par la Cour de cassation, dont la décision n’est pas surprenante dès lors qu’elle intervient dans le prolongement de plusieurs arrêts, dans lesquels la Haute Cour estime que le maintien effectif et provisoire de la relation commerciale au-delà de la date de résiliation doit être imputé sur le délai de préavis jugé nécessaire[2]. Le chemin emprunté par les juridictions est certes ici différent, puisque ce n’est pas la durée du préavis qui est considéré (il n’y en avait aucun) mais le préjudice. Ils conduisent toutefois au même résultat : la victime d’une rupture brutale de relation commerciale doit être indemnisée de l’intégralité du préjudice inhérent à la brutalité de la rupture, et de rien d’autre.
La Cour de cassation rejette donc le pourvoi de la victime.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] Chambre commerciale, 10 février 2015, n°13-26.414, Publié au bulletin
[2] Cass com., 29 janvier 2013, n°11-23676, Publié au Bulletin ; Cass com., 11 juin 2013, n°12-21424