Rupture brutale des relations commerciales établies et notion de faute suffisamment grave dispensatrice de préavis

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : Cass.com, 9 juillet 2013, n°12-21001, Inédit

 

 En l’espèce, une banque et une société ont conclu un contrat dénommé « mandat d’intermédiaire en opérations de banque » révocable à tout moment, sans indemnité, pour motif sérieux et légitime. Le contrat prévoyait ainsi une clause de révocation du mandat pouvant être mise en application si le mandataire n’atteignait pas 80% de l’objectif annuel réalisé.

 

Les résultats de la société plafonnant entre 40 et 65% des objectifs, alors que la banque réalisait 105% de ces derniers, la banque a révoqué le mandat sans préavis.

 

La société l’a assigné sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies.

 

La Cour d’appel de Paris relève le manquement de la société dans la réalisation des objectifs planifiés, lesquels se révélaient parfaitement réalisables, puisque la banque en réalisait 105%. Faisant application des stipulations contractuelles, les juges du fond estiment ainsi qu’aucun préavis n’avaient à être respecté par la banque, et déboutent la société de ses prétentions.

 

La Cour de cassation ne partage pas cette position est casse l’arrêt d’appel. Pour la Haute juridiction, peu importaient les stipulations contractuelles, les juges du fond devaient, par une appréciation souveraine, déterminer si l’insuffisance de résultats de la société constituait un manquement grave à ses obligations contractuelles justifiant une rupture des relations commerciales sans préavis.

 

Lorsque la faute du cocontractant est suffisamment grave, celle-ci peut justifier une résiliation du contrat sans préavis[1]. Le degré d’importance de cette faute est cependant laissée à l’appréciation du juge, lequel peut soit confirmer la décision de l’auteur de la rupture de ne pas octroyer un délai de préavis à son cocontractant fautif, soit sanctionner l’auteur de la rupture au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

 

Ont ainsi été retenues comme fautes suffisamment graves[2] :

 

–          Les mesures de rétorsions et les délais de paiements drastiques et inhabituels du cocontractant[3] ;

–          Le refus du distributeur de communiquer les informations relatives aux ventes[4] ;

 

–          Des réclamations de clients, leur volonté de ne plus voir le cocontractant à nouveau intervenir sur les chantiers, et les attestations des salariés de l’auteur de la rupture, lesquels ont du intervenir pour réparer les malfaçons et mettre en conformité les installations du cocontractant.[5]

 

Mais, pour la Cour de cassation, en aucun cas la faute « suffisamment grave », dispensatrice de préavis, ne peut figurer dans les stipulations du contrat : il appartient au seul juge de qualifier de faute suffisamment grave les faits qui lui sont soumis.

 

Cette décision est logique. La Cour construit sa jurisprudence en se libérant de toute contrainte contractuelle, aux motifs tout à fait compris d’ailleurs que le texte, qui s’impose à titre de loi de police, n’autorise aucun aménagement contractuel.

 

 

Sylvain VERBRUGGHE

VIVALDI-AVOCATS


 

[1] Cass.com, 31 mars 2009, n°07-20991

[2] Pour d’autres exemples, cf article chronos « rupture brutale des relations commerciales établies »

[3] Cass.com, 24 mai 2011, n°10-17844

[4] CA Paris, Pole 5, CH4, 18 mai 2011, n°09/19074

[5] CA Rennes, 20 janvier 2009, n°08/04115

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