SOURCE :
BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20, § 150
CE Ch. réunie 10-9 08/11/2017, n° 399764
I – LA PROBLEMATIQUE
L’hypothèse qui était soumise à la Haute Cour Administrative s’intéresse à l’affectation des résultats tirés de l’exploitation d’un immeuble détenu directement par les personnes physiques ou par l’intermédiaire d’une Société Civile Immobilière (soumise à l’IR), dès lors que la dotation de l’immeuble ou des titres a été démembrée entre nue-propriétaire et usufruitier.
Dans cette hypothèse, le BOFIP dans sa décision analysée, considérait que :
les bénéfices étaient taxables avec les revenus de l’usufruitier, conformément à l’article 8 du CGI (§ 110) ;
alors que les déficits fiscaux revenaient « de droit » au nue-propriétaire qui en tant qu’associé, doit répondre des dettes sociales (§ 150).
L’Administration admettait toutefois de la possibilité de déroger à cette règle par une ou plusieurs conventions régulières conclues avant la clôture de l’exercice[1]. Ainsi, par exemple, une convention peut déterminer une répartition entre le nu-propriétaire et l’usufruitier de la charge correspondant à la mise en œuvre de l’obligation de comblement des pertes.
II – LE LITIGE
C’est dans ce contexte de doctrine administrative qu’un couple qui avait constitué une Société Civile Immobilière avec ses enfants, les ascendants conservant l’usufruit et descendants, la nue-propriété, vont se heurter à l’Administration fiscale qui n’acceptait pas que l’usufruitier impute sur ses revenus fonciers des déficits antérieurs reportables.
Pour l’Administration, l’usufruitier était toujours taxable sur les recettes et le nu-propriétaire pouvait affecter ses déficits fonciers sur ses revenus. C’était évidemment tout bénéfice pour l’Administration puisque l’usufruitier ne pouvait jamais compenser ses bénéfices avec les pertes antérieures, alors qu’à l’inverse, le nu-propriétaire ne pouvait rien faire de ses déficits, sauf à disposer de revenus de même nature susceptibles de lui permettre de procéder à la compensation entre les bénéfices et les pertes (dans ce cas, les enfants doivent disposer d’autres revenus fonciers pour les compenser avec les pertes constatées sur l’exploitation de la SCI).
Les parents usufruitiers ont contesté l’avis de mise en recouvrement tiré de la procédure de rectification, et ont obtenu gain de cause devant le Tribunal Administratif de PAU dont la décision a toutefois été annulée par la Cour Administrative d’Appel de BORDEAUX.
Administration et contribuable se sont alors retrouvés devant le Conseil d’Etat.
III – LA DECISION COMMENTEE
Pour le Conseil d’Etat dont la décision fera l’objet de la publication au Recueil Lebon, il résulte de l’article 8 du Code Général des Impôts, qu’en cas de démembrement de la propriété des parts d’une société de personnes détenant un immeuble qui n’a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, l’usufruitier de ces parts est soumis à l’impôt sur le revenu à raison de la quote-part des revenus fonciers correspondant au droit dans les résultats de cette société qui lui confère sa qualité. Lorsque le résultat de cette société de personne est déficitaire, l’usufruitier peut déduire de ses revenus la part du déficit correspondant à ses droits.
L’Administration n’a plus qu’à revoir sa copie au BOFIP. Désormais, sauf convention contraire, l’usufruitier peut imputer ses pertes antérieures sur ses revenus fonciers.
Pour en savoir plus sur le démembrement de propriété via une SCI, voir article Chronos « Apport temporaire en usufruit de parts d’une société soumise à l’impôt sur le revenu à une société soumise à l’impôt sur les sociétés ». |
Eric DELFLY
VIVALDI-Avocats
[1] Et notamment conformément à la réponse ministérielle PERICARD JOAN du 30/08/1993, p 2707