Responsabilité du maître d’oeuvre

Kathia BEULQUE
Kathia BEULQUE - Avocat associée

  

SOURCE : Cass. 3ème Civ., 29 octobre 2015, n°14-21.903

C’est ce principe, fondement de la responsabilité civile, selon lequel la responsabilité contractuelle suppose la démonstration d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, que rappelle la Troisième chambre Civile de la Cour de Cassation, dans cette décision inédite, comme suit :

 

« …

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué…, rendu sur renvoi après cassation (3e civ., 11 avril 2012, pourvoi n°10-28.325), que M. et Mme X…, maîtres de l’ouvrage, ont, sous la maîtrise d’œuvre de M.Y…, architecte investi d’une mission complète et assuré par la société Mutuelle des Architectes Français (la MAF), chargé de travaux d’extension et de mise aux normes « handicapés » de leur maison la société Preti, qui a sous-traité le lot « couverture » à M.Deheim et le lot « charpente » à la société Batitout 2000 ; que les travaux ont pris du retard et le chantier, affecté de malfaçons et de non-façons, a été déclaré abandonné par M.Y…aux termes de la dernière réunion de chantier du 20 décembre 2004 ; que la liquidation judiciaire de la société Preti a été prononcée par jugement du 1er mars 2005 ; qu’après avoir obtenu la désignation d’un expert, M.et Mme X… ont notamment assigné M.Y… et la MAF en indemnisation de leurs préjudices ;

 

Attendu que M. et Mme X… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes de nouvelle expertise er de dommages et intérêts au titre du surcoût des travaux et du préjudice de jouissance alors, selon le moyen :

 

1°/ que l’obligation de conseil pesant sur l’architecte suppose la possibilité d’engager sa responsabilité contractuelle en raison de manquements imputables aux entreprises choisies sur ses indications par le maître de l’ouvrage ; que, pour rejeter la demande en indemnisation formée par M. et MmeX… au titre des préjudices liés au surcoût des travaux et à la perturbation de jouissance qu’ils ont subie, la cour d’appel a énoncé que l’architecte ne pouvait être tenu répondre des non-façons ou malfaçons commises par les entrepreneurs choisis sur ses conseils et affectant l’ouvrage dans la mesure où il n’avait pas l’obligation de réaliser lui-même les travaux ; qu’en statuant ainsi, par des motifs ôtant toute portée à l’obligation de conseil pesant sur l’architecte, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

 

2°/ que le lien de causalité entre la violation par l’architecte de son obligation de conseil et le préjudice par M. et Mme X… consistait en ce que le premier avait conseillé aux seconds le choix d’une entreprise qui, du fait de ses difficultés financières, n’a pu faire face à ses obligations contractuelles et a abandonné le chantier, en sorte que les travaux n’ont jamais été achevés ; que pour rejeter la demande en indemnisation formée par M. et Mme X… au titre des préjudices liés au surcoût des travaux et à la perturbation de jouissance qu’ils ont subie, la cour d’appel a retenu que la faute commise par l’architecte n’était pas à l’origine des non-façons et malfaçons subies ; qu’en statuant ainsi quant le lien causal entre la faute de l’architecte qu’elle reconnaissait et le préjudice subi par M. et Mme X… était caractérisé, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

 

(…)

 

Mais attendu qu’ayant relevé que les désordres avaient pour origine des non-façons et malfaçons commises par les sociétés Preti et Batitout qui avaient abandonné le chantier, que M. et Mme X… n’établissaient pas que l’architecte avait commis des fautes contractuelles en matière de direction des travaux ou d’assistance aux opérations de réception, que l’expert judiciaire ne concluait pas à de telles fautes, que les maîtres de l’ouvrage ne justifiaient pas d’une absence de compétence technique de la société Preti pour mener à bien le chantier et que la seule faute de l’architecte, consistant en un manquement à son obligation d’information et de conseil pour avoir sélectionné la société Preti non assurée et en difficulté financière, était sans lien de causalité avec les préjudices allégués au titre du surcoût des travaux et du préjudice de jouissance, la cour d’appel a pu en déduire que la faute de l’architecte, tenu seulement à une obligation de moyen, n’avait causé à M. et Mme X…, personnes âgées et présentant un état de santé dégradé, qu’un préjudice moral, réparé par l’allocation d’une somme attribuée à chacun d’eux ;

 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;»

 

Kathia BEULQUE

Vivaldi-Avocats

 

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