Source : CAA de PARIS, 2ème chambre, 20/06/2018, 17PA02744, Inédit au recueil Lebon
Le dirigeant qui exploite son activité à travers une société relevant de l’impôt sur les sociétés peut choisir son statut social et les modalités de versement de sa rémunération :
– Statut de travailleur non salarié (gérant majoritaire de SARL notamment) ou d’assimilé salarié (président de SAS par exemple) ;
– Arbitrer entre le versement d’une rémunération et de dividendes.
Si le dirigeant dispose d’une certaine liberté, celle-ci n’est pas totale. En effet, sa rémunération constitue une charge déductible du résultat social, alors que les dividendes sont une affectation du résultat de la société, dès lors l’administration fiscale peut exercer son contrôle.
Aux termes de l’articles 39 1 1° du CGI :
« Les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l’importance du service rendu. Cette disposition s’applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. »
L’administration fiscale veille en conséquence à ce que la rémunération du dirigeant ne soit pas exagérée et corresponde à un travail effectif. A défaut, l’administration pourra considérer que la rémunération est constitutive d’un acte anormal de gestion.
Pour apprécier la normalité de la rémunération du dirigeant, l’administration se réfère par exemple à la qualification professionnelle du dirigeant, à l’importance de l’activité qu’il déploie, au niveau des rémunérations des personnes occupant des emplois analogues…
Le Bofip précise :
« L’appréciation du caractère effectif des fonctions rémunérées dépend essentiellement des circonstances de fait propres à chaque affaire. […]
D’une manière générale, et conformément aux dispositions du 2ème alinéa du 1° du 1 de l’article 39 du CGI, le service considère qu’une rétribution allouée au profit de son bénéficiaire en contrepartie du service rendu peut être considérée comme excessive, lorsque cette dernière dépasse :
– celle correspondant à sa qualification professionnelle,
– l’étendue de son activité,
– ses aptitudes particulières aux résultats de l’entreprise,
– le montant des salaires de l’entreprise,
– la rémunération allouée aux emplois identiques dans l’entreprise ou ailleurs,
– la politique des salaires de l’employeur. »[1]
En pratique, si l’administration considère que la rémunération versée au dirigeant d’entreprise constitue un acte anormal de gestion :
– Les sommes considérées comme excessives seront réintégrées dans les résultats sociaux de la société, ce qui entraîne un rappel d’impôt sur les sociétés généralement assorti des pénalités de 40% pour manquement délibéré ;
– Ces mêmes sommes seront ensuite analysées comme une distribution occulte[2], elles seront majorées de 25%[3] et taxées chez le dirigeant comme des revenus mobiliers (sans possibilité de bénéficier de l’abattement de 40%) accompagnées des pénalités de 40% pour manquement délibéré.
Exemple
Rémunération du dirigeant est de 200, elle est jugée excessive à hauteur de 100.
Chez la société :
– Réintégration dans les résultats sociaux
– Rappel d’IS de 28% = 28
– Pénalités de 40% = 11,2
Coût total = 39,2
Chez le dirigeant :
– Majoration de 25% = 125 à taxer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers
– La rémunération a déjà été imposée dans la catégorie des traitements et salaires pour 90[4], mais le dirigeant perd le bénéfice de l’abattement de 10%
– Montant à soumettre au barème de l’IR = 35
– Dans l’hypothèse où le taux d’imposition du dirigeant est de 41%, rappel d’IR = 14,35
– Pénalités de 40% = 5,74
– Rappel de prélèvements sociaux à 17,2% = 17,2
– Pénalités de 40% = 6,88
– Coût total = 44,09
Cette situation peut être illustrée par une décision récente de la Cour administrative d’appel de Paris du 20 juin 2018.
Une SARL, réalisant des prestations immobilières dans le domaine de la menuiserie et des prestations de services relatives à la coordination de chantiers, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au terme de laquelle l’administration a mis à la charge de la société des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés après avoir considéré que la rémunération versée à la gérant était excessive.
L’administration faisait valoir que les rémunérations de la gérante étaient disproportionnées tant au regard du chiffre d’affaires de la société que des bénéfices. En outre, elle soulignait que la rémunération de la gérante représentait 82% et 54% des frais de personnel pour les années contrôlées. L’administration a également procédé à une étude comparative avec 5 autres sociétés présentant la même forme juridique, le même code NACE, un chiffre d’affaires et un bénéfice comparables dans un même ressort géographique, il en résulte que la rémunération de la gérante est nettement supérieure à la moyenne (6 fois supérieure en 2010 et 5 fois supérieure en 2011 à celle versée en moyenne par des entreprises comparables).
Sur la base de ces éléments, la CAA de Paris confirme le caractère excessif de la rémunération et rejette la requête formée par la société.
Clara DUBRULLE
VIVALDI Avocats
[1] BOI-BIC-CHG-40-40-10-20120912 n°30 et suivants
[2] Article 111 d du CGI
[3] Article 158 7 2° du CGI
[4] 100 – abattement de 10% pour frais professionnels = 90