SOURCE : Cass. com., 14 juin 2016, n°14-19.742, FS-P+B
I –. Les faits
Une société a conclu avec une banque une convention de compte courant, avec autorisation de découvert. En mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision. Après avoir été mise en redressement judiciaire, la société a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit, et pour défaut d’information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante. Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire en mai 2008.
II –. L’arrêt de cassation
Reprochant à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer au liquidateur judiciaire une somme correspondant au solde débiteur du compte, la banque s’est pourvue en cassation.
La décision est partiellement censurée, au visa de l’article L.131-73, alinéa 1er, du Code monétaire et financier[1]. La Cour considère qu’en condamnant la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte « alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’ article L. 131-73, alinéa 1er, du Code monétaire et financier , qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
III –. La portée de la décision
Le fait que le banquier teneur de compte n’a pas accompli son obligation d’information conformément aux exigences de l’article L.131-73, alinéa 1er, du Code monétaire et financier constitue à l’évidence une faute génératrice de responsabilité, mais la Cour de cassation reproche aux juges du fond d’avoir commis une erreur d’appréciation dans l’analyse du dommage réparable.
Il faut retenir que l’indemnisation du client d’une banque au titre du défaut d’information préalable au rejet de certains chèques suppose que celui-ci établisse qu’il aurait été en mesure d’approvisionner son compte débiteur des sommes correspondant aux chèques rejetés. En outre, le préjudice indemnisable doit s’analyser, comme c’est souvent le cas en matière commerciale, sur le terrain de la perte de chance, et ne saurait donc être égal au montant des chèques fautivement rejetés.
En matière d’information préalable du client sur des rejets de chèques, la Haute juridiction confirme la position des juges du fond, et retient que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés à la société cliente, laquelle est bien fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause.
La jurisprudence exige en effet une information précise, de sorte qu’une information générale sur les conséquences du défaut de provision des chèques émis ne suffit pas, mais l’information doit, en cas de pluralité de chèques émis sans provision, viser chacun d’entre eux[2].
Enfin, concernant l’encaissement différé de chèques, le banquier, auquel un chèque est remis à l’encaissement, s’il ne procède pas à son inscription en compte immédiatement, a l’obligation d’en prévenir son client, faute de quoi il engagerait sa responsabilité, sauf stipulations contractuelles contraires ou circonstances particulières[3].
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Art. L.131-73, al.1, C.mon.fin. : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 312-1 relatives au droit aucompte et aux services bancaires de base, le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client. »
[2] Cass. com., 18 janv. 2011, n°10-10.259, F-P+B
[3] Cass. com., 19 juin 2012, n°11-17.061, F-P+B